«À quelle heure on meurt?» sur la scène de la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier – Bible urbaine

ThéâtreCritiques de théâtre

«À quelle heure on meurt?» sur la scène de la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier

«À quelle heure on meurt?» sur la scène de la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier

Qui ramassera?

Publié le 15 mars 2013 par Alice Côté Dupuis

Crédit photo : Geneviève Grenier

Pour mettre en scène les légendaires mots de l’écrivain québécois Réjean Ducharme (L’Avalée des avalés), collés dans une seule œuvre par Martin Faucher, le Théâtre à Deux s’est armé de dix jeunes comédiens à l’avenir prometteur et d’un metteur en scène audacieux, Frédéric Dubois. Le résultat: une pièce vivante nommée À quelle heure on meurt? qui crée, sur la scène de la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier, un joli chaos.

Ils sont dix. Cinq filles et cinq garçons, interprétant seulement une fille, Chateaugué, et un seul garçon, Mille Milles. Si elle a 14 ans, il en a 16. Mais en vérité, ces adolescents ont l’âme d’enfants de 6 et 8 ans, car ils refusent de grandir. Les responsabilités de la vie adulte sont-elles trop grandes? Non, ils ne voient simplement pas l’intérêt de l’«adulterie», cette vie où «les gens achètent des vêtements parce qu’ils veulent vivre, parce qu’ils ne veulent pas mourir de froid». Ils veulent vivre pour travailler, ils travaillent pour gagner de l’argent avec lequel ils achèteront des vêtements pour pouvoir vivre. Chateaugué et Mille Milles, eux, sont des électrons libres: ils ne veulent se soumettre à aucune règle et s’enfoncer dans aucune routine.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que la mise en scène de Frédéric Dubois n’est pas routinière et sans vie comme ses personnages imaginent la vie d’adulte! Si les deux protagonistes sont presque toujours sur scène en duo, il n’existe pas de paires préétablies, de sorte que les couples sont interchangeables. Mais le plus souvent, les dix comédiens se retrouvent simultanément sur la scène, et bien qu’un seul des tandems joue l‘action en cours, il est intéressant de voir que tous continuent leurs mouvements et activités, et ce, plus ou moins dans l’ombre. Jamais statique ni figée, la pièce À quelle heure on meurt? est donc très dynamique, un vrai festin pour la rétine, qui a l’embarras du choix pour décider où se poser. Entre les scènes de danse, de décoration, de musique, de lecture de poèmes et de franche camaraderie entre les personnages, il faut avouer qu’il serait difficile de s’ennuyer durant ce spectacle d’une heure quinze minutes seulement.

Malgré leur court curriculum vitae, Simon Dépôt, Alexa-Jeanne Dubé, Marie Favreau, Benoît Fiset, Marie-Philip Lamarche, Claudia Levasseur, Catherine Paquin-Béchard, Pierre-Louis Renaud, Olivier Rousseau et Benjamin St-Martin Brosseau sont impressionnants à voir aller. Si quelques scènes ont laissé entrevoir quelques petites maladresses de la part de certains des comédiens, l’ensemble de la qualité du jeu est plus que satisfaisante, renforcée par la complicité et l’écoute palpables qu’il y a entre eux. De très beaux moments, où les nombreux comédiens unissent leurs voix le temps de quelques répliques, ponctuent également la pièce, mettant l’emphase sur la beauté du texte et parfois sur la détresse des personnages.

«Nous ne serons pas vieux, mais déjà las de vivre», très belle réplique d’ailleurs répétée avec vigueur par les comédiens, laquelle représente l’idée centrale d’À quelle heure on meurt?, alors que Mille Milles et Chateaugué, tellement amoureux qu’il n’ont plus de place pour aimer le futur, décident de se «branle-basser», se suicider, donc. Ils n’iront pas jusqu’au bout puisqu’un changement d’attitude radical et bien démontré, quoique très prononcé, a lieu chez le garçon. Si ce dernier semble finalement réaliser le caractère enfantin de leur projet et que le suicide n’est pas une option responsable, Chateaugué est visiblement détruite par l’abandon de son partenaire de vie… et de mort.

S’ensuivra une descente aux enfers chez la jeune femme, qui n’a pas quitté sa naïveté d’enfant. Mille Milles lui demandera donc de ramasser ses effets personnels et de quitter l’appartement. Et, des objets, sur la scène, il y en a! Chaque fois qu’un des dix comédiens y entre, il apporte avec lui quelque chose, sans jamais le rapporter en coulisses. Accentuant l’effet de chaos, jumelé au nombre de personnes sur scène et aux nombreuses voix entremêlées, À quelle heure on meurt? est un vrai beau chaos dans lequel il fait plaisir d’entrer malgré l’attention accrue nécessaire pour bien suivre les nombreuses actions. Mais au final, on se demande qui sera là pour ramasser. Ramasser les miettes de ces jeunes esprits tourmentés avec lesquels on a joué, à qui on a fait des promesses qui ne seront jamais réalisées, à qui on n’a jamais appris ce qu’était le bonheur.

Collage de Martin Faucher d’après l’œuvre de Réjean Ducharme, À quelle heure on meurt? est présentée sur la scène de la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 30 mars 2013. Avant chaque représentation, les noms d’un comédien et d’une comédienne seront pigés afin de déterminer quelle paire interprétera la scène finale.

L'avis


de la rédaction

Vos commentaires

Revenir au début