«Before Midnight» de Richard Linklater – Bible urbaine

CinémaCritiques de films

«Before Midnight» de Richard Linklater

«Before Midnight» de Richard Linklater

Ne me quitte pas

Publié le 22 juin 2013 par Jim Chartrand

Crédit photo : Métropole Films

Petit film miracle créé dans le secret aux répercussions bien plus grande qu'on pourrait se l'imaginer, Before Midnight fait suite aux parenthèses romantiques qu'ont été Before Sunrise et Before Sunset, un hymne à tous les bons ou les mauvais côtés de la vie, et qui subjugue, tout simplement.

La tradition se confirme peu à peu. À tous les dix ans ou presque, Ethan Hawke, Julie Delpy et Richard Linklater se retrouvent pour donner suite à leur histoire fictive, afin de rendre l’art du faux-semblant plus vrai que nature. Neuf ans après Before Sunset (2004), qui apparaissait lui-même neuf ans après Before Sunrise (1995), on retrouve avec bonheur les personnages de Celine et Jesse lors d’un voyage familial en Grèce. En effet, les suppositions sont confirmées après la magnifique conclusion ouverte du deuxième volet, qui laissait planer un certain doute sur la confirmation de leur relation. Ils forment désormais un couple et ont même eu deux charmantes petites filles depuis.

Pourtant, au-delà de l’idéologie prônée par l’image, on effrite la photo de famille et on montre que sous la surface lisse, la perfection a souvent bien des cicatrices créées par le temps qui passe. Du coup, on élabore sous nos yeux avec toujours plus de sérieux toute la complexité que représente cette relation. De façon audacieuse, Before Midnight est donc un film romantique sur ce qui suit la romance. Avec brio, il surmonte son ambition et parvient à assombrir le rêve des premiers opus sans jamais tomber dans le mélodrame ou le déjà-vu, marchant toujours droit sur le chemin de la raison.

Reprenant la formule des paysages cartes postales qui viennent tapisser les longues discussions psychologico-existencielles des deux tourtereaux, on y retrouve tout ce qu’il y a à savoir sur l’amour moderne et sur la simple signification du mot relation. À la fois drôle et réfléchi, on demeure fasciné par les dialogues débités avec un naturel foudroyant, déployant une réflexion douce-amère sur le questionnement suivant: le coup de foudre peut-il survivre au temps qui passe? Les yeux rivés à l’écran et les oreilles grandes ouvertes, on s’identifie aisément aux situations alors qu’elles font écho à notre inconscient.

Mieux, on ne s’attarde pas qu’essentiellement aux protagonistes, on laisse tournoyer autour d’eux de sympathiques personnages qui viennent prolonger et approfondir les réflexions principales, en leur apportant des dimensions tout autant pertinentes. Par exemple, il n’y a qu’à y voir la judicieuse comparaison de l’amour d’hier, d’aujourd’hui et de demain à travers une magnifique discussion prenant place lors d’un repas entre amis. À l’aide de divers représentants des différentes tranches d’âge, on bonifie les arguments sur le sujet universel qu’est l’amour.

Créé en collaboration symbiotique avec le trio gagnant composé des Hawke, Delpy et Linklater, le long-métrage est une réelle splendeur. Un petit bijou qui semble si simple, mais qui renferme une complexité admirable face à son propos. Avec l’humour, la romance, la mélancolie, la nostalgie et l’ensemble bercé par les compositions musicales et rêveuses de Graham Reynolds, on ne peut que soutenir l’encensement général avec lequel le film a été accueilli.

Il ne faut donc pas se méprendre: comme exercice de style, qui s’avère de plus en plus nécessaire dans ce reflet-miroir d’une société en pleine mutation, voilà une série comparable à ce que François Truffaut avait réalisée avec son inoubliable Antoine Doinel, issu de son chef-d’œuvre Les 400 coups. Une fiction qui brime d’une certaine façon les barrières de la réalité pour les transcender. Une réussite épatante démontrant que la qualité ne fait que se démultiplier au fil des films, à l’inverse de ce qui s’est produit avec Julie Delpy et son 2 days in New York, qui n’arrivait que très difficilement à la cheville de son admirable 2 days in Paris. En ayant ici la confirmation que cet ensemble de films s’est décidément imposé comme une série solide et concrète, on ne peut que rêvasser à ce qui pourra bien se passer dans neuf ans.

N’hésitez donc plus; assurez-vous de voir les deux premiers opus afin de vous plonger avec un bonheur infini dans ce film merveilleux qui représente exactement tout ce qu’on n’aurait jamais pu souhaiter. Remarquable, pour ne pas oser utiliser le mot perfection.

«Before Midnight» est à l’affiche depuis le vendredi 21 juin 2013.

L'avis


de la rédaction

Vos commentaires

Revenir au début