«Pain & Gain» de Michael Bay: quelques kilos en trop – Bible urbaine

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«Pain & Gain» de Michael Bay: quelques kilos en trop

«Pain & Gain» de Michael Bay: quelques kilos en trop

Publié le 26 avril 2013 par Jim Chartrand

Quelques semaines après le controversé Spring Breakers d’Harmony Korine, voilà que Michael Bay revient à la charge pour ajouter une nouvelle pierre à sa filmographie singulière et s’attaquer lui aussi à sa façon à l’envers du rêve américain. Sans pour autant s’éloigner de ses territoires habituels, on s’étonne ici de découvrir le cinéaste en train de reconsidérer pour la première fois ledit rêve américain, lui qui n’a jamais caché son penchant patriotique. Serait-on en train de vivre une certaine révolution du côté d’Hollywood?

Habitué des films d’action à grand déploiement, Michael Bay est probablement l’un des leaders et fier représentant du blockbuster type, voire du film de gars par excellence. Sans pour autant faire l’étalage d’une certaine liste à cocher, on est pratiquement certains de retrouver les éléments suivants dans un de ses longs-métrages: explosions, fusils, belles filles, beaux messieurs, ralentis, musique tonitruantes et appuyées, chasse à l’homme, drapeau américain, et on en passe. Rien ne change ici. Pourtant, après avoir collaboré aux trois volets de la franchise Transformers, le réalisateur change enfin de registre et se lance mystérieusement dans le fait vécu, oui, mais encore plus étonnant dans la comédie noire (d’action, inévitablement).

Près de deux décennies à injecter sa testostérone particulière aux films du système Hollywoodien, voilà que cette fois il l’intègre directement à ses acteurs en s’attaquant à l’univers des bodybuilders, ces maniaques du gym et des surplus vitaminés qui ont souvent la teinte d’un mauvais bronzage et le physique d’une tonne de briques. À cela, chapeau à la direction artistique qui soulève admirablement le côté kitsch et de mauvais goût de cet univers de douchebags qu’on croise pratiquement partout, que ce soit dans les décors, les costumes, ou jusqu’aux accessoires les plus inusités.

À ce niveau, le film de Bay est une fantaisie pure et dure qui se lie admirablement avec le ton humoristique de l’ensemble, lequel ne manque pas de personnages colorés et de répliques magiques. Surtout qu’en plus, on peut compter sur une distribution assez infaillible dominée par un Mark Wahlberg au sommet de sa forme, et un Dwayne Johnson toujours autant nuancé et qui a rarement été aussi amusant. À cette bande de joyeux lurons, ajoutez les Anthony Mackie, Ed Harris, Rob Corddry, Tony Shalhoub, Ken Jeong et l’inévitable Rebel Wilson, toujours au firmament avec sa propre personnalité. Niveau intrigue et traitement, toutefois, c’est peut-être un peu là que ça se gâte.

Dans cet étalage de faits et cette vantardise ambiguë entre la confirmation incessante que tout ceci s’est bel et bien passé et celle que tout ceci est assurément fort ridicule, on se perd un peu. D’autant plus qu’à force de recycler un nombre aussi impressionnant de clichés, on se demande si le cinéaste le fait volontairement ou s’il essaie seulement de jouer au plus grand que lui. Parce qu’ici, avec ses tonitruants ralentis, ses intertitres, ses pauses sur l’image, ses flashbacks et ses voix off qui s’immiscent dans les réflexions intimes de presque chacun des personnages, on a beaucoup de matière à rire, souvent beaucoup plus que celles qui étaient mises à notre disposition au départ.

On voit donc à quel point l’ambition de Michael Bay est démesurée, lui qui étire inutilement la sauce en dépassant le deux heures convenues, durée qui est déjà trop longue pour ce genre de film qui se la joue également rédemption (ratée) et chronologie cyclique, qui revient sans cesse sur ses pas.

Fort heureusement, c’est de loin l’un des films les plus amusants du cinéaste, qui assume enfin une certaine part de ridicule dans son univers, à défaut de transposer cette critique sur un autre microcosme qu’il ridiculise intensivement. Si on est loin d’avoir du plaisir du début jusqu’à la fin, il y aura tout de même matière à nous divertir un bon moment et des revirements toujours plus inusités et peu recommandables pour nous garder éveillés. Pour le reste, on se laisse bercer par la trame sonore et l’atmosphère bien adaptée à la sauce Miami, avec ses teintes chaudes et sa faune peu vêtue.

Au fond, c’est peut-être l’éloge du douchebag que Michael Bay a ici déployé dans toute sa force et surtout ses faiblesses. Un film, en somme, fait à la sauce américaine (respect intensif du schéma habituel), mais avec tout le contenu nécessaire pour en reconsidérer la signification. Après tout, si la finale patriotique, drapeau à l’appui, est bel et bien présente, on y trouvera une certaine évolution au sens même que, cette fois-ci, le symbole par excellence se retrouvera derrière les barreaux. De quoi être sadiquement curieux à savoir où Bay aura envie de nous transporter la prochaine fois.

Pain & Gain prend l’affiche en salles dès aujourd’hui.

Appréciation: ***

Crédit photo: Paramount Pictures

Écrit par: Jim Chartrand

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