CinémaCritiques de films
Crédit photo : of Montreal et Jason Miller
Réalisé par Jason Miller, le film se veut le récit du parcours musical de Kevin Barnes, suivant une trame chronologique, nous présentant les moments-clés avec photos et vidéos d’archive à l’appui. Ces derniers sont entrecoupés d’entrevues avec le frère du chanteur, David Barnes (comédien lors des concerts et artiste graphique des pochettes des albums), des membres du groupe, des fans tels que Susan Sarandon, MGMT, Solange Knowles et Janelle Monae, de même qu’avec la femme de Kevin Barnes, la Norvégienne Nina Barnes. Au fil du récit, les paroles des chansons de l’oeuvre de l’auteur-compositeur-interprète prennent forme et se concrétisent:
I fell in love with the first cute girl that I met
Who could appreciate Georges Bataille
Standing at a Swedish festival discussing “Story of the Eye
C’est autour de Nina que le film se construit puisque sa rencontre, qui affecte grandement l’état émotionnel déjà fragile de l’artiste, constitue un tournant dans la carrière de ce dernier. Un membre du groupe expliquera que c’est à partir de ce moment que Kevin commence à écrire à propos de faits réels et délaisse la fiction.
Nina s’implique dans le groupe en tant que bassiste et comédienne. Elle tombe enceinte après la sortie de l’album Satanic Panic in the Attic. Barnes, loin d’être prêt à vivre un tel changement, se remet en question et songe à mettre un terme à l’aventure. Le couple déménage en Norvège afin de donner naissance à Alabee («So begins our Alabee» sur The Sunlandic Twins). Kevin Barnes sombre alors dans une profonde dépression, exilé à l’étranger, en manque de soleil, tentant d’assimiler ses nouvelles fonctions de papa et de mari; «I spent the winter on the verge of a total breakdown while living in Norway» – «A Sentence of Sorts in Kongsvinger» sur Hissing Feauna, Are you The Destroyer?.
C’est la musique qui le garde sain d’esprit, sans oublier la médication; «I’m in a crisis, I need help. Come on mood shift, shift back to good again. […] Chemicals, don’t flatten my mind. Chemicals, don’t mess me up this time.» – «Heimdalsgate like a Promethean Curse» sur Hissing Feauna, Are you The Destroyer?. Seul, il conçoit entièrement l’album Hissing Feauna, Are you The Destroyer? en Norvège, avant de se séparer de Nina et de retourner aux États-Unis. Il y termine la production du disque, et alors qu’il se sent mieux, implore sa femme de revenir au pays. De retour aux États-Unis, Nina et le reste du groupe participent à une session d’écoute de l’album. Ce dernier s’avère une oeuvre impressionnante aux thèmes crus et difficiles. Il est acclamé par la critique et permet d’élargir le bassin de fans, tout en confirmant la notoriété du groupe.
Le documentaire met aussi en lumière les relations qu’entretient Kevin Barnes avec les membres de son groupe. Imprévisible, il renvoie sans pitié un musicien lorsque celui-ci ne fait plus son affaire, bien qu’il ait été présent depuis les débuts. C’est ainsi qu’après onze albums d’of Montreal, Kevin Barnes déménage à San Francisco et annonce un projet solo folk americana avec la chanteuse Rebecca Cash et de nouveaux musiciens. Juste avant la sortie de l’album, il se ravise et reprend le nom of Montreal. Puisque l’album avait été créé et joué par d’autres musiciens, la formation se voit changée, créant de la colère et de l’incompréhension au sein de l’ensemble original. Kevin Barnes dira: «I don’t care about them enough to sacrifice what I want to do in life.» Le film se termine sur cette note plutôt froide et sur des images de l’artiste avec sa fille alors âgée d’environ dix ans.
The Past is a Grotesque Animal est une histoire d’amitié et d’amour, de trahison et de rupture, nous révélant un être égocentrique, voire cruel, au talent musical indéniable, mais aux aptitudes sociales limitées. Peut-être est-ce par discrétion ou simplement la vérité, mais le film ne fait aucune allusion à la drogue ou à l’alcool, deux éléments qu’on aurait pu croire bien présents au sein de la troupe. Le réalisateur démontre et confirme avec justesse la difficulté qu’éprouve Kevin Barnes à vivre dans la réalité, ce que le principal intéressé a déjà laissé entendre dans la chanson à laquelle le documentaire emprunte son titre: «We want our film to be beautiful not realistic».
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de la rédaction