Entrevue avec Miléna Babin pour son roman «Les fantômes fument en cachette»: un premier pas dans la cour des grands – Bible urbaine

Littérature

Entrevue avec Miléna Babin pour son roman «Les fantômes fument en cachette»: un premier pas dans la cour des grands

Entrevue avec Miléna Babin pour son roman «Les fantômes fument en cachette»: un premier pas dans la cour des grands

Publié le 17 mars 2014 par Jean-Francois Lebel

Crédit photo : Jorge Camarotti

Miléna Babin était de passage dans la métropole lundi dernier pour la promotion de son tout premier roman Les fantômes fument en cachette, paru aux Éditions XYZ. Originaire de Carleton-sur-Mer, l'auteure étudie actuellement en rédaction professionnelle à l'Université Laval et elle s'implique au Impact Campus, le journal étudiant où elle assure la fonction de chef du pupitre «Arts et culture».

Les fantômes fument en cachette met en scène la relation complexe aux frontières floues unissant Maeve, Loïc et Fred. Ce triangle fusionnel qui leur aura permis de traverser les méandres de l’adolescence se complique davantage avec l’entrée en scène de Max, un jeune homme qui saura capter l’attention de Maeve. Cette dernière, narratrice de l’histoire, aura des choix à faire à la suite de la remise en question qui s’impose. Des signes comme l’utilisation de la première personne du singulier et les quelques ressemblances entre la vie de Maeve et celle de l’auteure ont rapidement soulevé la question d’une certaine saveur autobiographique, ce à quoi Miléna s’attendait.

Malgré le côté brute et solitaire du personnage, qui lui correspond en partie, elle dit qu’il n’y a pas de vraie ressemblance entre elles. Par contre, Babin note que l’accent sur les détails, sur le quotidien, ainsi que sur la beauté des gestes est quelque chose qui lui ressemble et qui lui vient de sa mère. Certes, il y a un certain caractère répétitif à l’enchaînement de ces cafés, joints et cigarettes qui nuit au rythme du récit, mais l’effet souhaité, un quotidien réaliste et authentique, est obtenu.

Le roman s’inscrit dans la collection «Quai no°5» dirigée par Tristan Malavoy-Racine. Visuellement, il se distingue des deux titres précédents (Faire violence et Vertiges), bien que la conception graphique soit dans les trois cas le travail de David Drummond. Autant la couverture que le titre avaient su attirer l’attention lors de l’annonce de la parution du roman. Quant au processus d’édition, Miléna Babin ne regrette pas son choix d’avoir opter de travailler avec les Éditions XYZ.

Par ailleurs, elle ressort de son expérience non seulement avec une publication en poche, mais aussi avec un nouvel ami, son écrivain favori: Stéphane Dompierre. C’est que la jeune femme, durant le processus d’écriture de son roman, a décidé de se tourner vers ce dernier afin d’obtenir ses conseils. De passage à l’émission La Sphère de Radio-Canada, Dompierre avait déclaré que son amie Miléna en était à l’écriture de son roman, ce qui aura mis le fondateur de la nouvelle collection de la maison d’édition sur sa piste.

L’histoire se concentre beaucoup sur le lien entre le personnage de Maeve et celui de Loïc, un couple qui n’en est pas un. Cette zone grise et ce type de rapport incarnent «une version des relations humaines très différente de ce qui est accepté et valorisé dans notre société actuelle», pour reprendre les mots de l’auteure dans son entrevue pour Impact Campus. Il était important pour Miléna de sortir des sentiers battus à ce sujet. Elle est d’accord que cette décision d’aborder des réalités plus taboues est assez symbolique de sa génération et des manifestations culturelles qu’elle produit.

«Juste dans mes amis et dans mon entourage, il y a des gens très proches de moi qui m’ont avoué, après avoir lu mon livre, qu’ils avaient déjà vécu ou ressenti quelque chose de semblable. Je me dis pour que je te connaisse à ce point-là pis que tu ne m’en as jamais parlé, bien oui c’est dont ben tabou. Et pourquoi on n’en parle pas? Parce qu’on n’a pas de mots à mettre là-dessus, on a peur du jugement et on a l’habitude que tout puisse rentrer dans des cases. Si ça ne ressemble pas à ce qu’on a déjà vécu, on se dit ben fuck off je ne le vivrai pas.»

Tout de même, l’humour n’est pas en reste et s’insère à merveille dans la trame du récit. Les pensées de Maeve ont de quoi faire sourire: «Je me voyais mal lui dire que j’étais en train de penser à des noms pour nos enfants. Que j’avais plus envie d’aller frencher sur un banc de parc que d’avaler ce déjeuner commandé par principe. Que chez moi, j’avais un cahier rempli de points d’interrogation et une poubelle pleine de triangles gris, et qu’hier, j’avais eu un orgasme en pensant moitié à lui, moitié à Loïc.» Ainsi, Les fantômes fument en cachette s’avère une lecture sympathique et divertissante, qui ne prétend pas être autre chose. Mine de rien, l’évolution de Maeve nous apprend la nécessité de mettre derrière soi le passé et de ne pas laisser nos vieux fantômes nous empêcher d’avancer.

Quant à la suite des choses, l’auteure prévoit y aller d’un style tout autre, mais espère tout de même que son public la suivra. «Celui-là, c’était le livre que j’aurais eu besoin de lire. Quand j’ai commencé à l’écrire au secondaire 5, j’aurais eu besoin que quelqu’un me dise ces mots-là, qu’on me dresse un portrait de cette relation-là. Je l’ai fait pour combler un manque. C’est un peu un hommage à mon adolescence. Je sais que mon prochain va être vraiment plus un pied dans le monde adulte. Ce n’est pas que je boude le type de littérature que je viens de sortir, je ne changerais pas un mot de ce que j’ai écrit, j’en suis vraiment fière et c’est important de m’assumer là-dedans; mais je sais que le prochain va être différent. À valeur égale pour moi. Je n’ai pas de compte à rendre à personne. Ça sortira comme ça sortira.»

Miléna Babin promet de ne pas prendre huit ans pour l’écriture de son deuxième roman. Entre-temps, nous pouvons continuer de la lire sur Les Populaires, sur Impact Campus et dans le magazine Clin d’œil où elle a récemment publié un premier article.

Vos commentaires

Revenir au début