«Cœur de Pion», une ingénieuse vibration du rappeur Le R – Bible urbaine

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«Cœur de Pion», une ingénieuse vibration du rappeur Le R

«Cœur de Pion», une ingénieuse vibration du rappeur Le R

Parce que le rap n'a pas encore tout dit

Publié le 23 juin 2015 par Marie-Hélène Proulx

Crédit photo : Brigitte Hubert et www.facebook.com/ler1er

On ne sent pas vraiment de culte de la personnalité chez Le R, ce qui est plutôt rare pour un rappeur. Il ne nous dit pas qu'il sait manier le verbe pour trouver mieux que tout autre, au fond de lui-même, les notes et les rythmes qui graveront ses messages au creux de notre mémoire: il se contente de le faire, et de nous amener à nous engager avec lui sur la voie qui lui est propre.

Pourtant, Le R aurait pu dire et redire ce qui a déjà été dit: comme plusieurs rappeurs québécois, il est issu du mariage entre deux cultures et a été porté vers notre froid pays par la quête d’une vie meilleure. Mais cette histoire, il ne la raconte pas comme celle d’un immigrant de deuxième génération en mal de mots, mais comme un citoyen du monde, ayant su amasser, en passant, toutes les beautés de la terre dans son langage, et dans ses notes, encore plus. En effet, le discours est porté par une musicalité très présente qui ne s’éloigne jamais très loin de ses racines africaines, avec quelques détours latins, par moments.

On y sent le poids de quelques rêves brisés, mais ceux-ci ne sont pas énoncés en termes très crus. Le R fait appel à un parcours de vie plus vaste et à une habileté linguistique qui est loin d’être à la portée de tous les rappeurs. Mais il n’est quand même pas seul à avoir fait le choix d’un rap plus réfléchi, et sa collaboration avec quatre autres artistes au discours intelligent, à savoir Samian, Yao, Djely Tapa et Patrick Wright, le démontre très bien.

Malheureusement, admettons-le, certaines de ses subtilités risquent de passer inaperçues, premièrement, parce qu’il arrive à Le R de mâcher ses mots, ce qui ne pardonne pas lorsque l’on accorde autant d’importance au texte. De plus, le rappeur s’attarde plus volontiers à l’amour et aux grands questionnements existentiels qu’aux détails de son quotidien.

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Pour un rappeur, il est toujours de bon ton d’explorer l’origine de sa foi, ou des autres convictions à la source de son message ou de se demander si cela valait vraiment la peine de traverser le monde, surtout lorsque cela se fait en termes aussi joliment choisis et bien accompagnés que dans «Katalké», «La cité des 333 saints» et «La Route de la Soie». Par contre, parmi ses hymnes amoureux, plusieurs auraient peut-être été plus à leur place au creux de l’oreille de sa belle que sur l’album de rappeur, car on saisit mal le contexte entourant ces manières d’aimer.

À d’autres moments, lorsqu’il se laisse aller, au contraire, à observer et à décrire les éléments de son passé ou de son quotidien, comme «Pourquoi les chats attendent aux fenêtres» ou le récit bien personnel de son parcours, raconté sur un ton mi-cynique, mi-nostalgique dans «Caravelle», le compositeur-interprète se révèle plus lumineux que jamais.

Malgré son style hybride, l’ensemble y demeure décidément rap. Il s’agit toutefois d’un style qui sait nous convaincre qu’il est un langage en plein renouvellement et rempli de promesses, dont l’une est sans doute de parvenir à nous toucher toujours plus dans les années à venir.

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