«Océan» de Manu Militari – Bible urbaine

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«Océan» de Manu Militari

«Océan» de Manu Militari

Les profondeurs dévoilées

Publié le 20 novembre 2015 par Marie-Hélène Proulx

Crédit photo : Disques 7ième Ciel

Parmi tous les rappeurs québécois, auxquels il ne s'identifie d'ailleurs pas toujours, Manu Militari est assurément l'un de ceux qui s'est le plus démarqué par la profondeur, souvent brutale, de ses textes. Ceux de son dernier album, Océan, sont dans la même veine. Le discours vaut la peine d'être entendu et réentendu, notamment pour les révélations troublantes qu'il laisse émerger pour nous inviter à nous approcher de son univers.

Jamais Manu Militari n’aura pointé du doigt plus directement sa rage de vivre que dans Océan et, paradoxalement, jamais il ne se sera montré aussi prêt à offrir son testament spirituel. Dans ses disques précédents, les mots sonnaient juste, comme ceux d’un brillant acteur qui emprunte le «je» pour se glisser dans la peau de plusieurs êtres. Mais avec ce nouvel opus, Manu Militari dissipe toute possibilité de brouiller les pistes entre lui et le personnage principal de sa narration. Bien qu’il garde encore une pudeur à décrire sa vie de famille, il passe ses blessures d’enfance à la loupe.

Ainsi, celui qui a déjà su plus que tout autre faire rimer rap et maturité, et conjuguer l’esprit de révolte autant aux ambiances de l’Orient que de l’Occident, revient maintenant avec des textes dont les mots les plus mordants gardent davantage les saveurs et les images des ruelles de sa jeunesse. Sans renier son idéalisme, Manu Militari aborde donc à nouveau ce style intimiste par lequel certains compositeurs à la plume acérée savent nous délecter en nous révélant nos paysages habituels sous un jour plus cru.

Manu-Militari

Et justement, à travers ses vers, Manu Militari démontre une volonté de se bâtir un univers comme le font nos meilleurs romanciers: les personnages qui ont hanté les précédents albums semblent reprendre vie dans celui-ci et de multiples rappels des réflexions déjà évoquées viennent s’inclure à ses nouveaux discours.

Mais ce monde qui s’élabore n’en demeure pas moins rempli de contradictions: ainsi, bien que ce compositeur évoque sans ambages sa haine envers l’humanité, c’est avant tout en décrivant avec compassion les faiblesses de ses congénères qu’il démontre son talent. Il sait donner envie de plonger dans la litanie d’un séducteur cubain, avec «Mami Chula», ou d’êtres empêtré dans la criminalité avec «Faire son shift» et «La descente». La confession qu’il livre dans «Peace And Love» demeure sans contredit un élément incontournable de l’album par-delà même son aspect autobiographique: l’équilibre que Manu Militari sait y maintenir entre la candeur de l’adolescence et  le retour déchirant à la réalité en fait une œuvre particulièrement percutante.

Cette force narrative permet de passer l’éponge sur le fait que la composition musicale demeure agréable, mais n’égale pas le charme dépaysant des explorations musicales de son précédent album. Bien sûr, cette dernière création offre aussi son lot de textes coup de poing, comme «Volonté», «Dédicace» ou «L’Alchimiste», mais de ceux-ci, la pièce «Océan» est celle dont la musicalité parvient quand même le mieux à soutenir les mots dans toute leur intensité.

C’est toutefois avec le clip de «Volonté», avec des images qui, plus que les texte, sont directement inspirées de l’actualité, que Manu Militari a choisi de donner un aperçu de ce dernier album.

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