«Puberty 2» de Mitski – Bible urbaine

MusiqueCritiques d'albums

«Puberty 2» de Mitski

«Puberty 2» de Mitski

Une fausse deuxième puberté

Publié le 16 août 2016 par Mathieu St-Hilaire

Crédit photo : Gracieuseté

Lorsque Thom Yorke chantait la célèbre phrase «I don’t belong here» dans la chanson «Creep» en 1993, des millions ont compati avec son sentiment d’exclusion. Eh bien, Thom Yorke peut aller se rhabiller avec ses lamentations: Mitski Miyawaki, auteure-compositrice-interprète mi-japonaise-mi-américaine de 25 ans, a vécu dans pas moins de treize pays avant d’atteindre l’âge de vingt ans. Pire encore, pendant une année scolaire complète, elle n’adressa la parole à personne. Maintenant New-Yorkaise, Mitski (son nom artistique) a littéralement passé plus du trois quarts de sa vie à chercher où elle appartenait. Heureusement pour nous, son isolement l’a amené à faire de la musique et son quatrième album, Puberty 2, s’attire les éloges. Avec raison.

Son approche est très punk: onze chansons pour 31 minutes de musique. Trois d’entre elles se terminent sous la barre des deux minutes. En d’autres termes, Mitski désire votre attention, et elle veut l’avoir rapidement. Pour ce faire, elle puise dans ses influences, qui ne sont pas piquées des vers.  «Dan the Dancer» possède le son à la fois brut et pop qui rappelle les Pixies. Un synthétiseur fait même son apparition vers la fin, faisant penser au «Alec Eiffel» du légendaire groupe bostonnais. La chanson suivante, «Once More to See You», reprend des éléments du Jesus & Mary Chain période Darklands.

Sauf que les vraies inspirations de Mitski se situent probablement davantage vers PJ Harvey ou Liz Phair. En effet, la jeune New-Yorkaise est aussi investie émotionnellement dans ses chansons que pouvaient l’être Harvey sur Dry (1992) et Rid Of Me (1993) ou Phair sur Exile In Guyville (1993). Musicalement, elle se rapproche beaucoup de cette période: rock tantôt grunge tantôt lo-fi tantôt punk des années 1990. «Your Best American Girl», à propos d’une histoire d’amour qui se termine suite aux différences culturelles des deux partenaires (autobiographique?), résonne tel Weezer ou Nada Surf. Même son vidéo fait penser à «Popular» de ces derniers.

mitski-facebook

Entre le folk, le punk et le lo-fi, c’est la transparence des compositions qui marquent l’auditeur. Les chansons sont à la fois immédiates et subtiles. Immédiates, car Mitski est capable d’écrire des phrases coups-de-poing sur des pièces accrocheuses. «I always want you when I’m finally fine», avoue-t-elle sur l’excellente «I Bet On Losing Dogs», reconnaissant ses nombreuses impasses amoureuses. Subtiles, car Mitski a cette habileté de ne pas tout dévoiler en une seule écoute: plusieurs de ses chansons s’apprivoisent.

Et Mitski ne fait pas que se plaindre, bien au contraire. Elle est beaucoup plus intelligente que ça. Telle Courtney Barnett, elle donne régulièrement dans la satire et l’autodérision. Ainsi, elle peut pondre des phrases comme «What do you do with a loving feeling if the loving feeling makes you all alone?» sur «A Loving Feeling», une pièce power-pop-punk ultra accrocheuse qui soutire un sourire à chaque écoute. Les fans d’Elastica adoreront cette dernière.

Bref, Mitski ne s’apitoie pas sur son sort et nous donne un album doté d’une profondeur surprenante pour une interprète si jeune. Une deuxième puberté? Seulement dans le titre de l’album.

L'avis


de la rédaction

Nos recommandations :

Vos commentaires

Revenir au début