«The Glowing Man» de Swans – Bible urbaine

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«The Glowing Man» de Swans

«The Glowing Man» de Swans

La dernière illumination

Publié le 17 juillet 2016 par Mathieu St-Hilaire

Crédit photo : Samantha Marble

Il y a six ans, Michael Gira faisait renaître son groupe ultra-expérimental Swans avec des nouveaux membres et un nouveau son, plus ténébreux mais tout aussi tonitruant qu’auparavant. Le projet l’emballa tellement qu’il décida, comme à son habitude, de pousser ces inspirations nouvelles jusqu’à leurs extrémités les plus totales. Arriva le monstrueux The Seer en 2012, deux heures de pure apocalypse qui figure parmi les meilleurs albums de rock expérimental jamais enregistré. En 2014, Gira récidiva avec un autre deux heures de martèlement sonore avec To Be Kind, un peu plus accessible et rythmé que son prédécesseur, lui aussi d’une durée de deux heures. Swans revient avec le dernier album de cette trilogie absolument unique dans l’histoire musicale avec The Glowing Man, aussi ambitieux mais aussi très différent des deux autres.

Inutile de se lancer dans l’écoute de Swans si on n’est pas prêt à y mettre du sien et à être à la fois hypnotisé et terrifié. The Glowing Man marche sur les mêmes routes sombres, collées sur des précipices, que The Seer et To Be Kind. Les pièces, qui varient de quatre à vingt-neuf minutes, vont jusqu’au bout de ce qui est musicalement possible. À mi-chemin de «Cloud Of Unknowing», l’instrumentation bascule dans quelque chose d’à la fois infernal et magnifique, pour ensuite poursuivre sur une tout autre dynamique, où cloches de l’enfer et voix célestes occupent une partie du décor. Aucun autre groupe ne peut faire quelque chose de semblable, surtout dans le paysage pauvre de la musique rock des dernières années.

The Glowing Man est plus méditatif et ambiant que la majorité des albums de Swans, ce qui en fait une bête que l’on apprivoise différent. Bien que le chaos soit toujours essentiel à leur musique, les sonorités sont moins lourdes et brutales, créant quelques fois même une ambiance qui se rapproche du free jazz. Évidemment, la patience est de mise, car Gira aime prendre son temps, et le vôtre, afin de mettre l’auditeur exactement dans l’état d’esprit qu’il désire. Et une fois que l’on s’habitue à ce qui se passe, le groupe nous prend d’assaut en déconstruisant complètement la pièce. «The World Looks Red / The World Looks Black» accomplit magnifiquement cet exploit: les sept premières minutes nous amènent dans une transe avec son instrumentation guitares-piano-cuivres pour ensuite tomber dans une merveilleuse cacophonie contrôlée et dans une ambiance tordue.

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Au niveau des thématiques, Gira explore encore une fois les limites de sa spiritualité. Le premier des deux disques fonctionne un peu comme des prières ou des incantations, le chanteur semblant s’abandonner et se livrer à une force plus grande que nature (sa propre musique?) La deuxième moitié de l’album est beaucoup plus ancrée dans la réalité, Gira adressant des problèmes auxquels l’humain est sans cesse confronté: «Frankie M» traite d’un homme dépendant à toutes les drogues, tandis que «When Will I Return» raconte la sordide histoire d’une femme victime de viol. D’ailleurs, c’est la conjointe de Gira, Jennifer, qui chante sur sa propre expérience: «His hands are on my throat / My key is in his eye / I’m splayed here on some curb / Shards of glass / A starry night/When will this pig-man stop?» À glacer le sang.

La chanson titre représente sans doute le noyau central, là où l’album atteint son nirvana. À 29 minutes, «The Glowing Man» est l’ultime expérience Swans, la gigantesque pièce jouant à la fois le rôle de purgatoire et de libérateur pour l’oreille et pour l’âme. Cacophonique, incandescente, hypnotisante, contagieuse, mystérieuse et immense, elle représente à peu près toutes les facettes de la musique de Swans des six dernières années. Après une telle épopée, il est normal de conclure avec «Finally, Peace» (quel merveilleux titre), qui est probablement ironiquement la chanson la plus pop de la résurrection du Swans version 2.0.

Bien entendu, The Glowing Man, comme toutes les autres œuvres de Swans, demande votre attention la plus complète. Selon Michael Gira, il s’agit de la dernière offrande de cette incarnation du groupe. S’il s’agit vraiment de la fin, il n’est pas exagéré de déclarer la trilogie colossale que représentent les trois albums du groupe comme étant l’une des aventures les plus audacieuses et singulières de l’histoire de la musique rock. Lors de la sortie de l’album The Seer en 2012, votre humble serviteur écrivait sur ce même site que l’album confirmait le statut de Swans au sommet de la musique rock expérimentale. Quatre ans plus tard, Gira et sa bande regardent toujours en bas, sans y voir la moindre parcelle de vie.

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