Visite guidée de l’exposition «Peter Doig – Nulle terre étrangère»

De Pierrot le fou (Jean-Luc Godard) à Old Boy (Park Chan-wook) en passant par Some Like it Hot (Billy Wilder) avec l’exquise Marilyn Monroe, la première salle de l’exposition convie le spectateur aux soirées STUDIOFILMCLUB que tenaient Peter Doig et Che Lovelace depuis 2003 dans l’atelier de l’artiste-peintre au Caribbean Contemporary Arts (CCA&). Pendant que les films étaient projetés, fenêtres grandes ouvertes pour introduire les bruits environnants, Doig peignait à l’huile une affiche papier qui représentait l’imagerie de ces grands classiques du 7e art. On remarque un style d’exécution très relâché, qu’un enfant habile aurait très bien pu adopter!, qui témoigne d’un certain désir de redonner une seconde peau à ces œuvres intemporelles.

Affiche: Pierrot le fou de Jean-Luc Godard

Après avoir fait le tour des esquisses, dessins et toiles préparatoires à certaines des grandes réalisations de Peter Doig, on poursuit l’exploration vers l’une des périodes charnières de sa vie artistique. En effet, on retrouve au cœur de certains tableaux un style, un thème, voire une technique d’exécution qui ont forcé les historiens de l’art à comparer le travail de Peter Doig avec celui de Matisse et Gauguin, notamment. Son célèbre tableau «Red Boat (Imaginary Boys)» témoigne de cette influence marquée à cause du paradis tropical représenté, lequel fait écho aux mers du sud de Gauguin, et ses couleurs exotiques, vivantes, terrestres. Rares sont les tableaux de l’artiste où les couleurs sont criardes et expressives. On retrouve souvent des teintes sobres et larmoyantes qui se conjuguent pour créer une seconde dimension plus fantastique que notre réalité.

Tableau : «Red Boat (Imaginary Boys)», 2003, huile sur toile

La pièce maîtresse de l’exposition se trouve à mi-parcours et s’intitule «100 Years Ago». C’est grâce à une scène onirique vue dans Friday the 13th que Peter Doig a voulu dessiner pour la première fois un canoë en 1987. Quelques années plus tard, l’image lui est revenue en tête et il l’a peinte au cœur de ce tableau, aujourd’hui exposé au Centre Pompidou de Paris. Le lac représenté est en réalité la mer de l’île Carrera, au large de Port of Spain. Le canoë orangé sert à diviser la composition en trois parts distinctes, technique clin d’œil à la peinture colorfield des années 1960. À nouveau, les traits du personnage sont très imprécis, signe d’une certaine dénaturalisation, et les couleurs, sombres, froides et frappantes, témoignent d’un désir de déstabiliser son spectateur. Fait intéressant: Peter Doig peut parfois prendre des années à réaliser une œuvre, préférant adopter un certain recul avant de revenir à la charge et de poursuivre l’exécution.

«100 Years Ago», 2011, huile sur toile

Vous avez jusqu’au 4 mai pour venir jeter un œil aux tableaux de cet artiste à l’imagerie singulière. Sans être renversante ni spectaculaire, l’exposition nous force néanmoins à sortir de notre zone de confort pour mieux apprécier le style froid et austère d’un artiste contemporain fort réputé. Voici l’adresse pour acheter vos billets électroniquement : https://ebillet.mbam.qc.ca/fre#shows/view/547.

Petit conseil: prenez le temps de visiter l’exposition gratuite 1+1=1, une initiative du Musée des beaux-arts (MBAM) et du Musée d’art contemporain de Montréal (MAC), de petites merveilles déstabilisantes mais bien pensées vous y attendent jusqu’au 15 juin.