«Sound of my Voice» de Zal Batmanglij: j'y crois, moi non plus – Bible urbaine

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«Sound of my Voice» de Zal Batmanglij: j’y crois, moi non plus

«Sound of my Voice» de Zal Batmanglij: j’y crois, moi non plus

Publié le 14 mai 2012 par Jim Chartrand

Détournant toutes nos croyances et forçant le spectateur à travailler ses capacités de réflexion, tout en détournant un bon nombre de clichés attendus, Sound of my Voice est tout à la fois déroutant et fascinant.

Il n’y a pas vraiment de commencement, de milieu ou de dénouement, mais il y a une évolution. Minimaliste au niveau de la forme et d’une grande richesse au niveau de son contenu, Sound of my Voice va et voit loin. Dans la mince ligne qui sépare la réalité de la science-fiction, voilà que ce petit film indépendant situe ses frontières grâce à la force du spectateur. Comme quoi, avec subtilité, on construit à la fois une situation, un monde et des personnages qui, tout en prenant vie sous nos yeux, bouillonnent dans des méandres qui sont difficiles à saisir.

Pourtant, dans cette histoire de croyances et d’infiltration, rien ne va comme prévu puisqu’on s’efforce sans cesse de brouiller les pistes et d’enrichir le projet avec différentes sources de détournements. D’où le génie d’avoir évité ce qui aurait pu être aisément un autre found footage movie raté ou décevant, y allant plutôt pour le côté aussi classique qu’expérimental, filmant le tout classiquement, mais usant d’un montage beaucoup plus éclaté, comme au niveau narratif. Du coup, les réponses sont bien peu nombreuses, alors qu’on nous offre, certes, beaucoup de matériel, mais bien peu de solutions dans ce casse-tête plus grand que nature.

Bien sûr, au même titre que Catfish, le but ici est d’en dévoiler le moins possible, d’autant plus que les surprises sont nombreuses, comme on n’a pas peur d’emprunter un nombre audacieux d’avenues sans pour autant empiéter dans de trop nombreuses directions. Soyons clair, le scénario, aussi faillible qu’infaillible, est définitivement une corde raide dont la force parvient néanmoins à nous embobiner.

Ainsi, séparé en dix étapes et laissant les personnages de tout genre se chevaucher à mesure qu’ils vont et viennent, on suit le parcours initiatique de Peter et Lorna, couple selon toute apparence idéal, surtout en partnership, qui décide de joindre une espèce de secte moderne à la Raël, dont ils ont entendu parler. Le reste est, par la suite, assez classique. Ils doivent se purifier, s’habiller en blanc, puis se rendre au lieu sacré, yeux bandés et poings liés, pour finalement faire montre de leur profond désir de faire partie du groupe par une série de gestes et d’étapes forçant à prouver leur dévotion.

Fraude ou non, là où le tout se corse c’est à l’arrivée de Maggie, la leader, proclamant provenir du futur et être là pour autant guider notre génération que la préparer et la sauver. Pour les Athées, croyants, ou pour ceux qui aiment simplement les films qui font travailler les méninges, l’ensemble est un réel plaisir. D’autant plus que, comme les créateurs ne savent définitivement pas plus que nous la vérité derrière l’histoire, ce petit complot devient alors le nôtre. Le bien et le mal, le blanc et le noir, la jeunesse et la vieillesse, le passé, le futur et le présent, le tout s’entremêle pour notre plus grand plaisir. Autant une avancée peut paraître ridicule, qu’une autre s’impose comme un nouveau doute. L’amusement est grand au fur et à mesure que le tout se déroule sous nos yeux, alors qu’on décide ou non d’accepter, d’adhérer ou de rejeter ce qui se produit, les situations tout comme leurs circonstances étant sélectionnés avec un soin semblant pratiquement maladif, que ce soit au niveau du choix des références mentionnées à une chanson singulière, qu’on risque de ne plus jamais entendre de la même façon par la suite.

Il faut donc saluer le côté sucré des rares dialogues et la justesse de la distribution qui se jettent corps et âme dans l’aventure. Également productrice et co-scénariste, Brit Marling illumine dans un rôle ambigu, parvenant à offrir tout le potentiel qui manquait dans le très décevant Another Earth, son précédent essai de science-fiction réaliste. Dans ce qui serait sa principale rivale de pensée et d’action, Nicole Vicius en impose tout autant alors qu’elle s’assure de tendre vers l’opposé de la direction que l’évolution psychologique de Peter semble entreprendre. À ce titre, aussi innocent puisse être Christopher Denham, il livre ici un travail de composition simplement brillant, qui, parce qu’il est le protagoniste auquel on a tendance à s’accrocher, nous amène vers des territoires qu’on ne souhaitait pas nécessairement parcourir.

Parenthèse simpliste mais exigeante, surtout pour ceux qui aiment habituellement qu’on leur offre tout cru dans le bec, le Sound of my Voice que livre ici Zal Batmanglij, en guise de premier long-métrage, s’impose alors comme un bijou de trouvailles. Rien ici n’est véritablement révolutionnaire. Oui, il porte le sceau Sundance dans chacun de ses recoins, mais le plaisir y est si grand, le produit exécuté avec un soin des détails si rafraîchissant et la portée si fascinante, qu’il est difficile de ne pas prendre parti pour ce film qu’on a envie de voir et de revoir par la suite, dans le simple espoir de dénoter des indices qui auraient pu nous échapper lors d’une première écoute. Ne soyez donc pas hésitant, il pourrait certainement s’agir de l’un des meilleurs films de l’année.

Appréciation: ****½

Crédit photo: www.wildaboutmovies.com

Écrit par: Jim Chartrand

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