«Cheese», mettant en vedette l'interprète Michèle Febvre, de Nicolas Cantin à l’Usine C – Bible urbaine

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«Cheese», mettant en vedette l’interprète Michèle Febvre, de Nicolas Cantin à l’Usine C

«Cheese», mettant en vedette l’interprète Michèle Febvre, de Nicolas Cantin à l’Usine C

Épurer pour mieux dévoiler

Publié le 29 novembre 2013 par David Bigonnesse

Crédit photo : Nicolas Cantin

Certains croient que pour rejoindre le public, il faut absolument mettre l’accent sur le spectaculaire et les feux d’artifice esthétiques, sans quoi le spectateur n’est pas captivé. Chez Nicolas Cantin, cette tendance de l’industrie culturelle ne s’y retrouve pas. On insiste plutôt sur le travail de l’interprète, la poésie du silence, l’épuration, l’essentiel en fait. Michèle Febvre en est d’ailleurs l’exemple parfait dans Cheese.

Dès que le spectateur s’assoit dans la salle, il constate d’emblée que l’espace scénique est épuré: les grands rideaux noirs découpent la scène au fond et sur les côtés, une chaise est placée au fond, un micro sur le sol ainsi qu’une table sur laquelle sont disposées l’équipement électronique qui sert à activer le son et la musique de la pièce. L’interprète Michèle Febvre, bien connue au sein du mouvement de la nouvelle danse québécoise (Groupe Nouvelle Aire et Fortier Danse Création), fait son entrée lentement sur la scène. Elle couvrira son visage d’un masque de singe, tout en se drapant avec une couverture verte. Deux éléments qu’elle enlèvera par la suite. Quelques mots sont prononcés, dont «Cheese», et c’est surtout la phrase «Je suis née pendant la guerre dans une petite ville ouvrière de Picardie…» qui déclenchera le retour au passé.

Ce retour est ici en réalité un témoignage des liens qui nous unissent. Le désir d’écouter l’autre, de transmettre et de communiquer aussi physiquement son bagage personnel et historique. Historique dans le sens où Michèle Febvre nommera plusieurs noms de chorégraphes tels que Paul-André Fortier et Jean-Pierre Perreault à un moment de son solo. C’est donc aussi une partie de l’héritage culturel qui est transmis. Et cette idée s’inscrit parfaitement dans le projet de recherche intergénérationnel initié et dirigé par Katya Montaignac dans lequel se trouve Cheese.

À travers des moments de monologue qui tendent aussi vers un possible dialogue, puisque l’interprète interpelle le public en lui disant qu’il est possible de poser des questions, la danse s’exprime de manière minimaliste. Des gestes qui restent près du corps, les doigts qui agissent comme des fils voulant tracer certaines zones corporelles, tout en gardant un contact constant avec le public. Le regard de l’artiste est ici essentiel, mais c’est aussi l’entièreté de l’être qui se met dans une position de mise à nue totale avec le public. Une position de vulnérabilité et de sensibilité. Sans artifices, le spectateur est captivé et ne peut laisser dévier son regard, sauf lorsque Nicolas Cantin se lève de sa chaise pour aller placer des éléments sur la scène ou appuie sur son dispositif afin de faire entendre des enregistrements vocaux de Michèle Febvre. Il se crée alors une superposition d’éléments dans la pièce, un lien entre sa voix présente et la voix enregistrée.

Même s’il s’agit d’un solo, on voit que la collaboration entre les deux artistes est présente durant la représentation. C’est d’ailleurs sur ce point que la création est réussie et somme toute fascinante. Le processus de réalisation est en quelque sorte exposé au public et son exécution se fait dans le détail. Le caractère intime de la pièce nous fait réfléchir à notre propre position en tant que spectateur. Si nous avions, nous aussi, à faire cet exercice d’exposition et de retour dans le passé en évacuant toute pudeur, que se passerait-il? Et en ayant surtout très peu de points d’ancrage matériels et de décors pour se réfugier le temps de se dévoiler… C’est à la fois angoissant et libérateur.

La pièce «Cheese» de Nicolas Cantin, interprétée par Michèle Febvre, est présentée à l’Usine C jusqu’au 30 novembre à 19h. Pour plus d’information, veuillez consulter le site web usine-c.com.

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