Cinéma Paradiso: «L'Atelier» de Laurent Cantet – Bible urbaine

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Cinéma Paradiso: «L’Atelier» de Laurent Cantet

Cinéma Paradiso: «L’Atelier» de Laurent Cantet

Un suspense social intelligent qui brouille les frontières entre réalité et fiction

Publié le 6 février 2018 par Justin Charbonneau

Crédit photo : Centre Phi

En collaboration avec le distributeur MK2 l MILE END, le Centre Phi a invité Bible urbaine à une excitante série d'avant-premières canadiennes. En effet, les films La confession, L’apparition, La Villa, Radiance, Une Famille syrienne, les gardiennes, Gauguin – Voyage de Tahiti, Rodin et l’Atelier ont tous été présentés dans le cadre de Cinéma Paradiso alias «le grand festival parisien revisité». En attendant que ces œuvres soient distribuées dans les salles du Québec, voici une critique du film L’Atelier, qui a été suivi une discussion intimiste avec le réalisateur et scénariste Kim Nguyen (Rebelle).

Le réalisateur français Laurent Cantet est mieux connu pour son drame social La classe, qui a remporté la Palme d’Or en 2008. Cependant certains de ses précédents films, notamment L’emploi du temps (2001) et Ressources humaines (2000), révèlent une prédilection pour l’incertitude, des suspenses basés sur des personnages où la frontière entre la réalité, la fiction et une certaine forme de folie n’est pas toujours facile à discerner.

Ces éléments sont tous intégrés dans son dernier long métrage, L’Atelier (présenté dans la section «Un certain regard» du Festival de Cannes en 2017), une histoire intense mais authentique sur la relation d’une écrivaine accomplie avec un étudiant qui la dérange autant qu’il la laisse constamment intriguée. Avec des performances remarquables de Marina Fois (Polisse) et du jeune espoir Matthieu Lucci, Cantet revient en force après avoir tourné plusieurs films outre-mer, avec un scénario qui emprunte les thèmes de La classe tout en soulignant certains problèmes que font face la France actuellement.

Co-écrit avec son collaborateur habituel Robin Campillo (120 battements par minute), le film commence avec une mise en scène quasi documentaire dans la ville méditerranéenne de La Ciotat, où un groupe d’étudiants (tous interprétés par des non-acteurs) participent à un atelier d’écriture dirigé par la romancière parisienne Olivia (Marina Fois). En complicité, la classe travaille sur un roman policier qui sera publié plus tard, mais au fur et à mesure que l’histoire se déploie, le film lui-même devient de plus en plus tendu lorsque Lucci, un étudiant intelligent et un peu trop franc, commence à se comporter de manière troublante.

Timide au début, Antoine sort de sa coquille lorsque, dans l’une des scènes les plus glaciales du film, il lit à voix haute un extrait effrayant, mais représentatif d’une tuerie de masse sur un yacht dans un port local.

L’évènement est fictif, mais ses descriptions sont à la fois terriblement réalistes et «thématiquement» aptes, en particulier compte tenu du climat tendu en France après les attentats terroristes des deux dernières années.

Le reste des étudiants rejette la violence sournoise du récit d’Antoine, ainsi que le racisme sous-jacent, mais l’intérêt d’Olivia est clairement piqué, et elle prend goût au garçon qui touche bientôt l’obsession, un sentiment qui se développe également chez son élève.  

Cantet découple sa réalisation de manière efficace, mais insouciante et imprévisible, en se concentrant d’abord sur la classe elle-même, ainsi que sur la spécificité de la toile de fond. Anecdote historique: La Ciotat était autrefois un grand centre de construction navale jusqu’à ce que son industrie s’effondre dans les années 1970 et 1980, les chantiers étant désormais reconditionnés pour fabriquer des bateaux de croisière, fin de la parenthèse. Le cinéaste s’interroge ensuite sur ses deux personnages principaux. Le vase déborde lorsqu’Antoine critique l’un des livres d’Olivia pour son délire trop esthétique. 

Olivia l’expulse du groupe pour son comportement inapproprié, mais les mots francs d’Antoine restent gravés dans sa mémoire. Quand elle fait des recherches en ligne, elle apprend que lui et ses amis soutiennent un politicien d’extrême droite et aiment jouer avec des armes à feu. Ce sont des signes manifestement alarmants, mais l’intérêt d’Olivia pour son élève va au-delà des questions de sécurité dans une fascination à la fois intellectuelle et même parfois érotique: l’esprit d’Antoine, né d’une famille en difficulté, fonctionne d’une façon qu’une écrivaine privilégiée comme elle ne peut imaginer, alors que son corps reste un vague objet de désir et même d’inspiration.

Au fur et à mesure que l’atelier progresse après un premier acte qui rappelle La classe, le long métrage se rapproche de L’emploi du temps et Ressources humaines, devenant un thriller où les personnages sont motivés par les conditions sociales.

À la manière du roman policier écrit par les étudiants où les questions du patrimoine industriel de La Ciotat sont derrière une série de meurtres locaux, le film révèle combien Olivia et Antoine sont touchés par leurs positions sociales, sans parler de l’atmosphère de peur et de malaise qui s’est répandue en France aujourd’hui.

Tourné dans des contrastes obscurs par le directeur photo Pierre Milon et soutenus par une trame sonore hypnotique de Bedis Tir, le film glisse dans un territoire considérablement plus sombre dans les scènes de clôture, bien que le résultat ne soit pas nécessairement ce que vous imaginez. Alors qu’Antoine s’apprête à commettre un dernier acte de désespoir, Cantet démontre qu’il s’agit moins d’une pure soif de sang – bien qu’il y en ait aussi – que de prouver à Olivia son point de vue: si elle pouvait seulement voir ce qu’il voit, alors peut-être qu’elle pourrait commencer à le comprendre.

Voici la bande-annonce de la programmation du Cinéma Paradiso!

L'événement en photos

Par http://www.allocine.fr/

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