«Le règne de la beauté» de Denys Arcand – Bible urbaine

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«Le règne de la beauté» de Denys Arcand

«Le règne de la beauté» de Denys Arcand

Une architecture boiteuse

Publié le 15 mai 2014 par Ariane Thibault-Vanasse

Crédit photo : Les Films Séville

Certains réalisateurs sont des incontournables de la planète cinéma. Des réalisateurs cultes. Quand un de leur film sort en salles, il n'y a pas d'autres choix que de se ruer et jeter un coup d'oeil à leur nouvelle oeuvre. Au moins pour être dans le coup. Le réalisateur québécois Denys Arcand fait partie de ce groupe d'élite (ou en tout cas, faisait partie). Sa filmographie n'a plus besoin de présentation. Il a su avec Le Déclin de l'empire américain et Les Invasion barbares donner une voix à la génération de baby-boomers. Il nous a habitués à des discours politisés et sociaux. Or, avec Le règne de la beauté, il rate son coup et offre un récit sirupeux où cet éloge de la beauté est superficiel.

Alors que Luc Sauvageau est récompensé à Paris pour l’ensemble de sa carrière d’architecte, il rencontre par hasard Lindsay Walker, femme avec qui il a eu une aventure à Toronto plusieurs années auparavant, à l’époque où il était un jeune architecte plein d’ambition. Il se remémore donc sa vie avec sa conjointe Stéphanie dans leur magnifique maison de Charlevoix où s’entremêlaient soupers entre bons amis, chasse, pêche, ski et quelques pétards faits maison… Panorama d’une nature comme nulle part ailleurs en plus.

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On connaît Denys Arcand pour ses longues scènes remplies de dialogues. Avec son dernier opus, le réalisateur sort de sa zone de confort (mais pas de son indifférence, sans mauvais jeu de mots) en proposant des séquences plus contemplatives, comme s’il voulait faire prendre une pause à son auditoire et le faire méditer un peu. Méditation sur le bonheur, sur l’amour, sur le travail. On reconnaît tout de même le style du réalisateur oscarisé pour Les Invasions barbares, dont la récurrence des fameux soupers entre amis qui pensent refaire le monde le temps de l’apéro. Mais cette fois-ci, le ton sonne faux. La bande de jeunes bourgeois composée de Luc et de sa femme Stéphanie (Éric Bruneau et la Française Mélanie Thierry), de leur copine médecin Isabelle et sa conjointe Mélissa (Marie-Josée Croze et Geneviève Boivin-Roussy) et du couple formé d’un confrère architecte et d’une férue de son potager (Mathieu Quesnel et Magalie Lépine-Blondeau). Cette jeune génération faisant écho au groupe d’amis du Déclin regarde la société de haut, semblant même se cacher dans Charlevoix pour s’isoler davantage de la masse scabreuse qu’ils déplorent. Pas un n’irait chez IKEA un samedi après-midi. Avec ce discours de nouveaux riches, Denys Arcand parvient même à rendre le décor suintant la superficialité. Film qui ne rend définitivement pas honneur à cette merveilleuse région.

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Le règne de la beauté est un hommage plutôt frontal à l’architecte de Québec, Pierre Thibault. Maisons modernes, de style minimaliste, qui se fondent dans la nature. Tout comme cet artiste du bâtiment, Luc Sauvageau a cet amour pour le beau et le bien fait. D’ailleurs, l’esthétique du film est parfaite. Le groupe d’acteurs semble descendu tout droit de l’Olympe, venant taquiner les simples mortels de la belle province. La maîtresse de Luc (Melanie Merkovsky) ressemble à une nymphe, à la fois timide et aventurière. Une jeune fille à la perle éjectée de son cadre. Pour un film traitant de prime abord d’architecture, la réalisation ne met pas suffisamment à l’avant-plan les villes et les édifices dans lesquels se trouve Luc ou tout autre personnage. Denys Arcand n’innove pas ici, à l’inverse de son homologue Denis Villeneuve qui, dans son dernier film Enemy, s’amuse avec Toronto et multiplie les différentes prises de vues. À cet égard, Le règne de la beauté est beaucoup trop sage et ne fait pas honneur au métier du personnage interprété par Éric Bruneau, qui change son accent au gré de ses répliques féminines.

Seule l’histoire de l’épouse de Luc est digne de mention. Stéphanie, Française d’origine et Charlevoisienne par amour, sombre dans une violente dépression. L’angoisse la ronge et la comédienne Mélanie Thierry le rend très bien. Ce bonheur qui s’avérait à portée de main n’est peut-être qu’éphémère ou bien qu’une mascarade. Rien n’est jamais simple lorsqu’il est question d’être heureux. Mais Denys Arcand a voulu réduire à l’essentiel les tourments de ses protagonistes. Oubliant au passage de leur conférer de la profondeur. Et de l’intérêt.

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