«Le vrai du faux» d'Émile Gaudreault – Bible urbaine

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«Le vrai du faux» d’Émile Gaudreault

«Le vrai du faux» d’Émile Gaudreault

Tout le faux du vrai Stéphane Rousseau

Publié le 9 juillet 2014 par Isabelle Léger

Crédit photo : Les Films Séville

Dans les diverses entrevues pour la promotion de son nouveau film, le réalisateur Émile Gaudreault (De père en flic, Mambo italiano) a dit deux choses: qu’il avait choisi Mathieu Quesnel (Le règne de la beauté) pour son rare amalgame de virilité et de talent comique et qu’il ne dirigeait jamais les comédiens en leur disant d’être drôles. Cela se comprend, surtout quand on engage Stéphane Rousseau comme vis-à-vis et qu’on a un scénario de Pierre-Michel Tremblay (Coma Unplugged, Mille feuilles). Pour la virilité, c’est réussi.

Éric (Quesnel), jeune homme sans envergure, qui carbure au heavy metal le moins subtil qui soit et qui aurait rêvé d’être un héros comme un astronaute ou une vedette porno, n’est plus le même depuis son retour d’Afghanistan. C’est d’ailleurs la seule chose qui intéresse le réalisateur de films d’action à succès Marco Valois (Rousseau): son trouble de stress post-traumatique. L’ex-soldat et le cinéaste concluront un marché où Valois aidera Éric à reconquérir sa blonde Sara (Marie-Ève Milot) tout en obtenant de la matière à scénario. Pour ce faire, ils devront se rendre dans la ville natale d’Éric, Teller Mines, pour qu’il se livre enfin à ses parents (Normand D’Amour et Guylaine Tremblay) et à Sara sur ce qui lui est arrivé en mission. Mais Éric résiste et voudrait que ce projet de film suffise à faire croire à tout le monde, en particulier à sa psychologue (Julie Le Breton), qu’il va mieux.

Critique cinema Vrai du faux

Il y a quelque chose de paradoxal dans le fait de se trouver devant un film sans réel temps mort et de s’y ennuyer tout de même. Dans un scénario (basé sur la pièce Au champ de Mars de Pierre-Michel Tremblay) où la fuite à répétition tient lieu de rebondissements et où les clins d’œil tombent à plat une fois sur deux, on ne peut que trouver laborieux tout le travail mis en place pour gommer les conventions théâtrales qui ne passeraient pas à l’écran.

Bien sûr, on a affaire à une belle brochette d’acteurs dans les rôles de soutien, mais qui incarnent des personnages tout en stéréotype et, surtout, qui ont été choisis pour ce qu’on a déjà vu d’eux de nombreuses fois. Même le jeune fonctionnaire naïf (Charles-Alexandre Dubé), fusion entre François Létourneau et Léo Bureau-Blouin, devient lui aussi lassant par manque d’originalité dans les répliques.

Par-dessus tout, il faudra un jour que le jet set du divertissement québécois, tous producteurs confondus, se rende compte que le visage inflexible (euphémisme pour face de plastique) de Stéphane Rousseau n’a aucune capacité à laisser filtrer quelque émotion, quelque nuance de jeu que ce soit. Cet homme est au bord de l’épuisement et de la dépression, vraiment? Heureusement qu’on nous le dit et nous le répète. Est-il sincère dans son désir d’aider Éric? Ou le devient-il en cours de route? Va savoir. Même le côté charmeur du personnage ne passe pas vraiment. C’est dommage pour Mathieu Quesnel, qui démontre du naturel et un certain sens du rythme, en particulier dans la scène de l’usine désaffectée. Aurait-il eu un autre complice, il n’aurait peut-être pas senti le besoin de jouer pour deux, comme c’est le cas par moments.

En bout de piste, on donne une étoile à Quesnel et quand même une à Gaudreault, pour l’autodérision à propos du génie du cinéma québécois et aussi pour le rapprochement entre la désolation d’une ville minière à l’agonie et la dévastation provoquée par les sables bitumineux. Vous direz peut-être «ça fait deux, ça!» Oui, mais on lui en enlève une pour avoir laissé les producteurs imposer Rousseau dans le premier rôle. Si ç’avait vraiment été «pareil à un film américain, mais québécois», peut-être que sa piètre performance aurait suffi, mais ce n’est justement pas le cas…

D’accord, on lui en redonne une demie pour Guylaine Tremblay qui renoue avec la comédie après une succession de rôles dramatiques ces dernières années, déployant son talent avec la justesse qui a fait sa renommée.

En salles dès aujourd’hui.

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