«Le Redoutable», le dernier film de Michel Hazanavicius – Bible urbaine

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«Le Redoutable», le dernier film de Michel Hazanavicius

«Le Redoutable», le dernier film de Michel Hazanavicius

Portrait de l’insaisissable Jean-Luc Godard

Publié le 8 mai 2018 par Maude Rodrigue

Crédit photo : www.allocine.fr

Pour son tout dernier film, Hazanavicius (OSS 117, The Artist) puise son inspiration dans les mémoires d’Anne Wiazemsky, ex-épouse de Jean-Luc Godard. Le Redoutable jette un éclairage sur un pan de la vie de cette figure marquante et impétueuse de la Nouvelle Vague française.

Le couple s’est formé suite au tournage de La Chinoise en 1967, film au propos maoïste qui scellait une tangente chez Jean-Luc Godard: celle de faire un cinéma qui soit résolument révolutionnaire, tant dans son contenu que dans sa méthode. Le Redoutable révèle la résistance des époux vis-à-vis une série d’atermoiements inaugurée par l’échec de La Chinoise, le film n’ayant suscité qu’une réaction morne auprès du public.

Un cinéaste incompris

À travers la fenêtre de cette relation amoureuse, on observe s’ébrouer un artiste impulsif, foncièrement insaisissable. Les lunettes de Godard, maintes fois cassées au hasard des manifestations auxquelles il participe, lui confèrent une gueule hagarde, et l’homme aux idées embrouillées paraît emmuré dans l’incompréhension de la part d’autrui.

Dans la foulée des évènements de mai 68, pourtant animé par les idéaux du mouvement contestataire, il échoue ainsi à exprimer à ses camarades ses aspirations. À cet effet, Hazanavicius dépeint des scènes truculentes, reconstituant des assemblées étudiantes au cours desquelles Godard, balbutiant et interprété avec adresse par Louis Garrel, se fait renvoyer d’une manière roide à son impertinence.

Le personnage d’Anne, flanquant le cinéaste lors des évènements qui ponctuent leur idylle – annulation de représentations au Festival de Cannes, ruptures entre Godard et des membres de son entourage cinématographique – demeure curieusement impassible.

Bien qu’on perçoive son indignation sourde, la langueur et le regard vague de la jeune femme renseignent peu sur le mouvement que créent chez elle les frasques de son époux. Sa psychologie est, pour ainsi dire, opaque. L’interprétation de Stacy Martin souffre donc peut-être d’un excès de sobriété, bien que la véritable Anne Wiazemsky ait sous doute bel et bien été réduite à l’impuissance et à l’hébétude devant les excès de son mari.

Une justice non rendue à l’intelligence de Godard

Hazanavicius révèle la complexité de Godard, son esprit en bataille, sa pétulance. Son film ne rend toutefois pas justice à l’intelligence singulière de cette figure incontournable de la Nouvelle Vague française qui y est plutôt dépeinte comme un abruti impétueux. Certains traits risibles sont grossis par les mimiques de Garrel.

Or, si les films de Godard n’ont pas tous fait l’unanimité, particulièrement à partir du moment où il s’est «radicalisé», la large majorité s’entend sur l’intelligence vive de l’homme.

Néanmoins, parmi les éléments intéressants du film, outre les clins d’oeil décochés à l’endroit de procédés utilisés par Godard dans ses propres œuvres, Le Redoutable révèle l’usure qu’ont exercé le temps (trois ans), les évènements et la fougue du cinéaste sur le couple. L’échec de l’union Godard-Wiazemsky se réfléchit contre le miroir des révolutions de mai 68, celles-ci ayant également failli à se traduire par les gains escomptés.

En outre, le film permet d’apprécier l’évolution de la vision de Godard quant à l’aspect politique et révolutionnaire que doit revêtir le cinéma. Comme il l’a affirmé lui-même, la révolution ne consiste pas strictement qu’en l’objet d’un film, les manières mêmes de faire le cinéma devant être révolutionnaires – d’où l’obsession de l’artiste à trancher constamment avec ses manières usuelles de faire, à se réinventer. Godard a éventuellement adopté une posture telle que son cinéma s’est délesté de la hiérarchie, se dotant d’une façon autogérée de procéder.

Dans cette mouvance, de concert avec le journaliste Jean-Pierre Gorin, il a fondé Dziga Vertov en 1968, un collectif cinématographique éphémère inspiré par les idées d’extrême gauche. Qu’importait l’attachement du public envers À bout de souffle ou encore Pierrot le fou, Godard a rompu sans ménagement avec lui pour s’incliner toujours davantage vers ce qui lui paraissait essentiel.

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