«Zoom sur un classique»: le drame politique Les Ordres de Michel Brault – Bible urbaine

CinémaZoom sur un classique

«Zoom sur un classique»: le drame politique Les Ordres de Michel Brault

«Zoom sur un classique»: le drame politique Les Ordres de Michel Brault

L'armée est en ville

Publié le 17 septembre 2019 par Mathilde Renaud

Crédit photo : Image provenant de l'oeuvre « Les Ordres » de Michel Brault

L'importance historique de l'oeuvre de Michel Brault ne s'essouffle pas. Le film Les Ordres, qui a maintes fois été primé à Cannes, raconte une page d'histoire importante du Québec, et plus précisément de Montréal. Un moment où les hommes et les femmes ont dû se taire et obéir aux ordres, et ce, sans aucun pouvoir et sans savoir ce qu'il adviendrait d'eux. Bien expérimenté dans le maniement d'une caméra, Brault réalise son deuxième long métrage avec brio et assurance. Son utilisation particulière du langage et des codes cinématographiques témoigne de son grand contrôle. Zoom sur une oeuvre qui célèbre ses 45 années d'existence et qui met de la couleur là où il ne devrait pas y en avoir.

10 octobre 1970. Pierre Laporte, un homme politique québécois, se fait enlever par le Front de libération du Québec (FLQ). C’est une semaine plus tard que le FLQ fera part à la population du décès de Laporte. Son corps sera retrouvé dans le coffre d’une voiture.

Quelques jours plus tard, l’armée débarque à Montréal suite à l’adoption de la Loi sur les mesures de guerre. Résultat: 450 personnes subiront les conséquences de cette mesure et se feront arrêter arbitrairement, sans mandat de perquisition. Et toutes seront libérées quelques jours plus tard, sans aucune accusation contre elles.

Les Ordres raconte l’histoire de cinq personnes parmi ces centaines ayant vécu une page de notre histoire québécoise: la Crise d’octobre.

50 témoignages, 5 personnages

Avant la production de l’œuvre, Brault aurait réussi à recueillir une cinquantaine de témoignages des victimes. À l’aide de ces entretiens, il crée ses cinq personnages principaux fictifs (trois hommes et deux femmes). Le résultat est parfois un peu trop dramatique selon certaines critiques de l’époque.

Les acteurs présentent eux-mêmes leur propre personnage en jouant déjà le rôle. Et, dès les premiers instants, la ligne entre réalité et fiction devient trompeuse…

Le traitement visuel de l’œuvre se situe très souvent entre la fiction et le documentaire. La caméra se veut intrusive dans la vie des personnages et des lieux, mais ceux-ci ne s’en préoccupent pas. Brault se permet d’être plus poétique à travers son œuvre lorsque la couleur apparaît. La pellicule est teintée de noir et de blanc pendant les 45 premières minutes du film, puis lorsque les personnages arrivent dans la prison, l’image s’habille de couleurs. Métaphorique et sarcastique? Va savoir…

C’est pourtant à cet instant précis que débutent les moments les plus difficiles pour les victimes. Loin de leur famille et dans un milieu froid et austère, ces hommes et ces femmes qui n’ont rien à se reprocher n’ont aucun autre choix que celui d’obéir aux ordres.

De directeur de la photographie…

Michel Brault n’a pas tardé à se faire connaître dans le domaine cinématographique international. Dès ses premiers films, sa maîtrise hors pair du maniement de la caméra est reconnaissable et difficile à égaler. Nous l’avons vu il y a quelques mois à l’occasion d’un «Zoom sur un classique» célébrant l’anniversaire de son oeuvre Les Raquetteurs (1958).

Son premier court métrage avait donné lieu à la naissance du cinéma direct quelques années plus tard. Jean Rouch et Edgar Morin l’avaient même invité à venir tourner Chronique d’un été en France en 1961. Il a ensuite enchaîné en tant que directeur de la photographie sur de grands titres tels qu’À tout prendre, Pour la suite du monde, Mon Oncle Antoine, Mourir à tue-tête et Les Bons Débarras.

…à réalisateur

Son saut à la réalisation s’est effectué avec son premier long métrage Entre la mer et l’eau douce. Brault s’est lui-même occupé de la photographie de son œuvre, mais il fut accompagné à la scénarisation par la crème, soit Denys Arcand, Marcel Dubé et Claude Jutra.

Cette œuvre s’inscrit, elle aussi, dans ce désir de mixer la réalité et la fiction en basant son récit sur le chansonnier Claude Gauthier, qui joue d’ailleurs son propre rôle dans la production.

Les Ordres est certainement sa réalisation la plus reconnue et accomplie. Traitant d’un sujet particulièrement important de notre Histoire, avec une utilisation du langage cinématographique pour le moins remarquable, ce film se retrouve parmi ces incontournables nous aidant à mieux comprendre un moment-clé de notre cinématographie nationale. Et, qui plus est, il s’est vu remettre le prix de la mise en scène au célèbre Festival de Cannes en 1975.

…puis légende

Depuis 2013, le milieu du cinéma pleure la perte d’un cinéaste aux multiples talents. Son apport au cinéma national et mondial est tout simplement inestimable. Ses techniques révolutionnaires ont changé la manière d’enregistrer des images (et les sons également!)

Mais avant tout, il a eu ce désir de laisser la place au peuple dans ses nombreuses œuvres. Et, pour ça, on le remercie énormément.

Pour consulter nos précédentes chroniques «Zoom sur un classique» et ainsi avoir votre dose bihebdomadaire de septième art, suivez le labibleurbaine.com/Zoom-sur-un-classique.

«Les Ordres» de Michel Brault en images

Par Image provenant de l'oeuvre « Les Ordres » de Michel Brault

  • «Zoom sur un classique»: le drame politique Les Ordres de Michel Brault
  • «Zoom sur un classique»: le drame politique Les Ordres de Michel Brault
  • «Zoom sur un classique»: le drame politique Les Ordres de Michel Brault
  • «Zoom sur un classique»: le drame politique Les Ordres de Michel Brault

Nos recommandations :

Vos commentaires

Revenir au début