«Amanita Virosa» d’Alexandre Soublière aux éditions Boréal – Bible urbaine

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«Amanita Virosa» d’Alexandre Soublière aux éditions Boréal

«Amanita Virosa» d’Alexandre Soublière aux éditions Boréal

Une immersion dans l’univers pervers d’Hyaena

Publié le 15 octobre 2015 par Éric Dumais

Crédit photo : Les Éditions Boréal

Il y a un je ne sais quoi de limite obscène mais intrigant au sein de ce deuxième roman du Québécois Alexandre Soublière, celui qui avait bravé la ligne éditoriale habituellement politicaly correct des éditions Boréal avec Charlotte Before Christ, un beau succès littéraire bien ancré dans son époque. Voilà que l’écrivain en beurre épais à nouveau avec Amanita Virosa, une histoire d’amour sous fond d’espionnage, de fantasmes, de sexe et de correspondances épistolaires entre un wanabee et une rockstar.

L’entrée en matière n’est pas trop évidente au premier coup d’œil; dès les premières pages, le lecteur fait sa première incursion aux côtés de Winchester (Winnie pour les intimes) et de son pote Samuel chez un millionnaire visiblement sans scrupules, où ils installent, discrètement, des caméras cachées pour filmer les cochonneries vulgaires et dégradantes de cet assoiffé d’orgies. Mais le plus tordu dans tout cela, c’est que notre cher protagoniste, qui a pourtant étudié le génie civil au niveau universitaire, se retrouve, aujourd’hui, à amasser des billets verts en réalisant les fantasmes pervers de ses clients. Sa business Hyaena, c’est à peu près ça.

«Il faut arriver à se sentir bien dans le chaos, comme dans des pantoufles»

La vie de Winnie ressemble plutôt à un chaos, en vérité. Ce dernier tente de guérir une marque au cœur laissée par sa séparation récente avec Cécili. «Quand Cécili m’a abandonné, j’ai quitté mon emploi. Je ne voulais rien dire, je n’avais pas de direction, pas de but». Errant à la recherche d’un défi plus ou moins précis, travaillant pour Sécurité KJV un temps, puis comme pirate informatique, il a fini par se lancer en affaires avec Samuel, policier à ses heures, leur collaboration adoptant une tournure inattendue, mais la business c’est la business, et c’est ainsi qu’Hyaena est née.

«Il s’agit d’une extension de la pornographie, du libéralisme, de l’anarchie, des réseaux sociaux, du voyeurisme, de l’amour, de la jungle, du temps, du pouvoir, de l’imaginaire.»

C’est seulement après une trentaine de pages, un peu pénibles mais nécessaires, qu’on retrouve l’Alexandre branché sur sa réalité 2.0. Hyaena, c’est en quelque sorte une business fictive faite pour illustrer l’univers des fantasmes générés par Facebook, Instagram, Snapchat et compagnie, toutes ces plateformes incitant au désir, aux fantasmes et à la perversion. C’est lorsqu’on baisse les yeux du roman, avec cette lueur (finalement!) de compréhension qu’on réalise où Soublière s’en va, et on aime ça. «Qui n’a jamais épluché le profil de quelqu’un en se disant: si seulement je pouvais en voir plus, enlève ton maillot, remonte ta jupe.»

Mais Amanita Virosa n’est pas qu’un instantané de la vie branchée et de la perversion chez les jeunes et moins jeunes; c’est également la relation d’amour entre Winchester et Elsa, une rockstar intrigante aperçue pour la première par le biais d’une lentille dissimulée chez Elijah, un client âgé avec lequel elle partage sa vie, qui donnera au roman une dimension toute nouvelle. Car Alexandre Soublière excelle surtout, tel un Ducharme nouveau genre, à ce niveau bien précis: il réussit à donner une enveloppe et ses os, de même qu’une âme charitable, à ses personnages qu’ils soient fondamentalement bons ou moins bons. Et surtout, on a cette impression qu’ils prennent vie sous nos yeux tellement ils sont vrais.

Il y a du vague, il y a du bon, il y a du beau, mais il y a surtout un sujet bien pensé qui évolue vers une histoire d’amour que seule la plume de Soublière sait mener à bien vers une finale qui réussit à changer notre perception première du livre.

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