«Dans la peau de…» Hector Ruiz, poète et déambulateur urbain – Bible urbaine

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«Dans la peau de…» Hector Ruiz, poète et déambulateur urbain

«Dans la peau de…» Hector Ruiz, poète et déambulateur urbain

Une errance poétique dans les rues de la métropole

Publié le 4 octobre 2019 par Mathilde Recly

Crédit photo : Éliane Excoffier

Chaque semaine, tous les vendredis, Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur la personne interviewée et de permettre au lecteur d’être dans sa peau, l’espace d’un instant. Cette semaine, nous avons interviewé Hector Ruiz, poète qui vient de publier un tout nouvel ouvrage intitulé Racines et fictions aux Éditions du Noroît.

Hector, à quel moment et dans quel contexte ta passion pour l’écriture – tout particulièrement celle en vers et en prose – s’est-elle révélée à toi?

«Entre la fin de mes études collégiales et le début de l’université, je suis parti vivre en colocation. Je travaillais alors comme commis dans une pharmacie sur Masson. Sur le trajet vers le travail, je lisais de la poésie, et le soir j’écrivais des pastiches. Ces sonnets écrits à la main dans un cahier ont été volés.»

«Malgré cette perte, j’ai continué à lire. Travailler. Vivre et écrire. Un soir dans un bar du Quartier latin, devant les urinoirs, j’ai lu une affiche publicitaire qui détaillait les certificats offerts à l’UQAM. Le lendemain, je me suis inscrit en création littéraire. J’ai beaucoup aimé ça. J’avais trouvé un rêve. C’était un peu comme une révélation: je pouvais aimer et rêver.»

«À ce moment-là, j’ai pris conscience que je pouvais vivre en lisant et en écrivant. Plus précisément, j’avais envie d’écrire des poèmes, mais je ne savais pas comment! Ça peut sembler paradoxal, mais l’université a nourri ma passion pour la création poétique.»

Tu enseignes la littérature au niveau collégial, ce qui t’a d’ailleurs valu de prestigieuses distinctions et mentions d’honneur pour ton engagement dans diverses actions pédagogiques et littéraires. Quelles sont tes motivations personnelles à transmettre ton savoir à la jeune génération?

«Il s’agit en effet d’une transmission. Ce que je préfère travailler avec les étudiants est, bien entendu, la poésie, et particulièrement la déambulation littéraire. Avec eux, je déambule dans deux quartiers différents de la ville afin de les amener à écrire un poème.»

«Montréal est une bonne ville pour marcher en été comme en hiver. Au gré de ses quartiers, nous pouvons explorer plusieurs styles de narration. Quelque part dehors, il y a un poème qui se cache, et il attend d’être découvert. Une fois que les étudiants ont écrit un poème, nous poursuivons la lecture de recueils poétiques à travers le prisme de l’expérience de déambulation: nous acceptons de lire avec nos sens pour capter les signes qui nous touchent afin d’élaborer une interprétation personnelle.»

«Je suis toujours surpris lorsque mes étudiants doutent de leur capacité à utiliser leur sensibilité pour la lecture. Comme professeur, je ne peux pas accepter que la subjectivité soit subordonnée à l’objectivité. J’aimerais que mes étudiants lisent de la poésie comme l’on déambule, seul, mais toujours libre d’inventer sa trajectoire.»

Ton quatrième ouvrage Racines et fictions vient tout juste de paraître aux Éditions du Noroît. Peux-tu nous parler du concept artistique et de ton processus de déambulation littéraire dans les rues montréalaises?

«Il est vrai que l’écriture de Racines et fictions prend sa source dans une démarche de déambulation littéraire. Une fois par semaine, pendant dix mois, je suis parti explorer un quartier de Montréal. Ces dérives de plusieurs heures et kilomètres ont donné lieu à une multitude de notes et de photos. J’étais entièrement tourné vers l’extérieur, et je voulais écrire des histoires de marche ou des mythologies urbaines.»

«Marcher pendant des heures active également la mémoire et, malgré moi, plusieurs souvenirs liés à mes immigrations ont surgi. Mon éditeur m’a encouragé à écouter davantage cette intimité bouleversante, ce qui m’a demandé beaucoup d’efforts.»

«La juxtaposition du dehors et de l’intime a influencé la dernière phase de création du livre. Comment la fiction prend-elle racine en soi? Comment mes racines trouvent-elles forme dans le poème? Je crois que la tension entre espace public et espace privé est une préoccupation pour plusieurs artistes.»

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Selon toi, en quoi cette récente parution se distingue-t-elle de tes précédentes publications aux Éditions du Noroît, du point de vue de ton écriture et des thématiques abordées?

«En marchant, lors du processus d’écriture de ce livre, je me suis rendu compte que je me rapprochais des 40 ans, mais que je ne voulais pas écrire sur la crise de la quarantaine. D’ailleurs, la contrainte de marcher une fois par semaine pendant trois heures me permettait de réfléchir à ma jeunesse qui se terminait et à la vieillesse qui commençait.»

«Ce n’était pas dramatique: je m’imaginais marcher sur la ligne qui sépare la jeunesse de la vieillesse. Je ne sais pas à quel point cette prise de conscience a influencé le rapport que j’entretiens à mon expérience d’immigration, mais il m’est plus facile maintenant d’évoquer certaines images de mon histoire.»

«Pendant les dix mois où j’ai déambulé à travers la ville, j’ai eu l’impression de vivre une lune de miel, de faire ce que j’aime: marcher, lire la rue et écrire des poèmes!»

Pour la suite de tes projets littéraires, y a-t-il une idée originale, voire un peu folle, qui te trotte en tête et que tu aimerais réaliser prochainement? On jase là, tout est permis!

«Parfois, je rêve d’écrire un essai à propos de ma pratique du yoga et celle de la création poétique. D’autres jours, j’aimerais écrire des proses dont le fil conducteur serait le soccer

«Enfin, un autre projet fou serait d’aller vivre trois mois à Santiago au bord du lac Atitlan (Guatemala) pour enregistrer des témoignages sur le génocide maya qui a eu lieu dans les années 1980. Avec ces témoins, j’aimerais écrire des lettres aux disparus.»

Pour découvrir nos précédentes chroniques «Dans la peau de…», visitez le labibleurbaine.com/Dans+la+peau+de…

*Cet article a été produit en collaboration avec les Éditions du Noroît.

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