«De la confiture aux cochons» de Véronique Marcotte – Bible urbaine

LittératureRomans québécois

«De la confiture aux cochons» de Véronique Marcotte

«De la confiture aux cochons» de Véronique Marcotte

Le sang des autres

Publié le 24 avril 2017 par Pierre-Alexandre Buisson

Crédit photo : Québec Amérique

La mémoire de Madeleine, héroïne improbable et indirecte de ce roman, est disparue dans le cadre d’un évènement traumatique et violent dont elle ne conserve aucun souvenir. Elle reprend connaissance au bord d’une route, au pied des montagnes, quelque part au nord des États-Unis. Couverte de sang et d’ecchymoses, elle se dirige vers Key West sur le pouce, personne n’osant lui poser trop de questions sur la provenance de ses blessures en cours de route.

Pendant ce temps, à Montréal, Élyse s’inquiète de ne pas avoir de nouvelles de son amie Simone, partie six jours auparavant vers New York, afin de vivre le deuil de sa mère, dont le décès a bouleversé son petit monde. Avec l’aide de Robert, un enquêteur du SPVM à la retraite qui est fidèle client de la taverne où elle travaille – et pas-si-secrètement amoureux d’elle – Élyse tentera de savoir ce qui est arrivé à son amie, de plus en plus inquiète avec le temps qui passe.

Quel est le lien unissant Madeleine, Élyse et Simone?

C’est une angoisse progressive qui suinte des pages de ce court roman de Véronique Marcotte, qui marque son retour au médium après une petite pause – son précédent, Coïts, faisant partie de la série L’Orphéon, date de 2012.

Cinq ans de silence, donc, qui est ici percé de bien belle façon avec une histoire poignante de deuil et d’amitié.

Avec des chapitres alternant les points de vue des divers personnages, et pendant lesquels des détails sur le mystère en cours se précisent lentement, on se retrouve au cœur d’une enquête profondément humaniste, où l’aspect policier est relégué au second plan, et où priment les effets de sa disparition sur l’entourage de Simone. On soulève quelques questions sur le dynamisme des rapports, sur la nature de l’amitié, les différents aspects que peuvent prendre celle-ci, et même sur notre identité, telle qu’on la définit par notre rapport aux autres.

La comparaison peut paraître tirée par les cheveux, mais le tout m’a fait penser au ton des romans de Georges Simenon, pour qui même les personnages secondaires avaient une belle dose d’humanité à offrir et où la psychologie de tout le monde était soigneusement développée. Car il ne suffit pas de ficeler une bonne intrigue – encore faut-il s’attacher aux personnages, et c’est ici une évidence: quand on ressent de l’empathie même pour un dealer sur le retour qui habite en face de chez Simone, la mission est profondément accomplie.

En fin de parcours, les ressorts dramatiques nous frappent directement au cœur, et sans carrément verser dans la tragédie, ne laisseront personne indifférent.

On est donc pris de court de ne pas pouvoir suivre plus longtemps le destin de ces deux personnages féminins extrêmement forts, présentés ici autant dans leurs moments de gloire qu’au plus bas de leur déchéance, digne reflet de la vie.

Mais le retour au roman de Véronique Marcotte, s’il signifie qu’elle nous offrira de nouvelles aventures plus fréquemment, est une nouvelle qui atténue la petite douleur de ne pouvoir savourer que pendant à peine deux-cents pages cette histoire profondément touchante, dont nous lisons l’épilogue complètement vidé, comme après une magistrale crise de larmes.

«De la confiture aux cochons» de Véronique Marcotte, Québec Amérique, 2017, 192 pages, 20 $.

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