Entrevue avec Stéphane Larue, gagnant du Prix des libraires du Québec – Bible urbaine

Littérature

Entrevue avec Stéphane Larue, gagnant du Prix des libraires du Québec

Entrevue avec Stéphane Larue, gagnant du Prix des libraires du Québec

Ce que l'écrivain pense des libraires

Publié le 10 mai 2017 par Elise Lagacé

Crédit photo : Patrick Séguin

Stéphane Larue a offert Le Plongeur aux yeux des lecteurs à la fin 2016 et l’accueil dithyrambique et unanime des critiques comme des libraires avait déjà suffi à porter aux nues le primo-romancier. C’est lundi soir que, humble et reconnaissant, il a reçu le Prix des libraires du Québec 2017 dans la catégorie «Roman québécois» pour ce premier-né. Les autres lauréats remarquables de la soirée furent Audrey Martel, un des piliers de la librairie l’Exèdre, à Trois-Rivières, qui a reçu le Prix d’excellence de l’ALQ, en plus d’Emily St. John Mandel couronnée dans la catégorie «Roman hors Québec». Nous avons eu la chance de nous entretenir avec Stéphane Larue et de parler roman, librairie et vie littéraire d’ici.

Lorsque l’on demande à Stéphane Larue comment il perçoit ce prix que les libraires lui ont décerné lundi, il est spontanément très volubile sur la place importante des libraires dans la vie littéraire québécoise, mais aussi, dans la vie de son premier roman. Car si les critiques l’ont accueilli favorablement, il n’oublie pas une seule seconde que les libraires ont eu un rôle de passeur essentiel à jouer pour Le Plongeur. «Plusieurs m’ont confié que mon roman avait été un coup de cœur pour eux et, avec le prix, je reçois tout ça comme une grosse charge d’amour. Parce que les libraires, ce sont des passeurs, des transmetteurs de tous les livres qui leur parlent. C’est dans ce sens où j’ai vraiment été dépassé par la place qu’ils lui ont donnée.»

Larue n’est pas étranger à ce milieu des librairies ni à la scène littéraire qu’il connaît bien puisqu’il en a foulé les planches depuis plusieurs années comme initiateur, organisateur et participant d’évènements littéraires. C’est un regard empreint de positivisme qu’il pose sur le dynamisme qui teinte notre époque. «J’ai remarqué qu’il y a un grand dynamisme qui s’installe dans le milieu des librairies. Les libraires se mettent de l’avant et prennent leur place, entre autres, dans les médias sociaux. On apprend à les connaître autant que les lieux qu’ils occupent. Certaines librairies sont devenues de vrais lieux de rencontres, comme Le port de tête où il y a beaucoup de lancements. C’est devenu un lieu d’échange littéraire et culturel absolument dynamique.»

C’est ainsi que Le Plongeur a beau être un premier roman, ce n’est en rien un premier-né, comme son auteur n’est pas un nouvel arrivant dans ce milieu. Interrogé sur le rôle qu’ont joué ces manuscrits non publiés et ces années d’activités littéraires, Stéphane Larue raconte sa joie que Le Plongeur ait été son premier roman publié, celui-là et aucun autre. «Ce roman-là, c’est un accident et un bel accident. En le finissant, j’ai tout de suite réalisé à quel point j’étais content que ce soit lui mon premier publié. Lui et aucun des autres. C’est un livre vraiment spécial qui me ramène à l’âge de 17-18 ans, l’âge où j’ai commencé à écrire de manière sérieuse. On pourrait dire que c’est le succès du livre qui me fait dire ça aujourd’hui, mais non, c’est un sentiment que j’ai eu à la fin de l’écriture, sans savoir qu’il aurait du succès.»

Un roman tiré de son vécu, donc, mais pour lequel Stéphane Larue ne se réclame aucunement de l’autofiction. «Moi, je suis catégorique là-dessus, c’est un roman que j’ai écrit, pas un récit. C’est sûr qu’il y a énormément de matériel autobiographique et que ça parle de gens qui existent et que j’ai maquillés… alors c’est peut-être ça qui fait en sorte que certains parlent d’autofiction.» Un genre dont l’auteur se détache franchement. «J’ai travaillé la temporalité, j’ai rattrapé le récit et c’est ça le travail du romancier, c’est de donner l’impression que c’est vrai… quand c’est réussi. Mais moi, le geste de l’autofiction, je ne l’ai pas. Moi, ce que je veux, c’est de raconter des histoires, alors que l’autofiction c’est lié à des blessures internes à des problématiques beaucoup plus profondes.»

À la question «mais alors, que gagne un auteur à écrire aussi proche de sa réalité ?», Larue répond «tout le monde peut choisir de parler ou non de son vécu. Ça prend juste plus de travail, plus d’exercices si on ne l’a pas vécu. Pour ma part, c’était quand même naturel de parler de ce que j’avais vécu, comme la dépendance au jeu. C’est une dépendance qu’on peut garder toute notre vie et qui, lorsqu’on la voit au cinéma, devient presque lumineuse, comme d’autres dépendances. Moi, j’ai parlé des machines à sous, qu’on associe généralement à des vieillards bedonnants, mais le gambling ça n’a pas de profil et pas de visage. J’ai voulu en parler de la manière dont je l’avais vécu. C’est physique. Tu te trouves happé parce que tu veux continuer à jouer, pas parce que tu veux gagner.»

Lorsqu’on lui demande s’il regrette de ne pas avoir commencé à publier plus tôt, il est catégorique.
«Aucunement. Toute cette implication sans être auteur… ça m’a peut-être donné la patience d’attendre de publier au bon moment. Ça m’a amené mon lot de frustration et de trucs positifs. J’ai pu écrire non pas dans l’urgence de publier, mais écrire pour écrire et savoir attendre. Attendre de publier comme attendre qu’un vin soit bon à boire. Y’a des romans qui sont bus trop jeunes. Je parle en termes vinicoles ici. Il y a vraiment un travail de patience à faire sur soi. J’ai vu beaucoup de gens publier trop jeunes.» 

Pour Stéphane Larue, donc, le reste est encore à écrire, mais ne sera donc pas publié avant l’heure.

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«Le Plongeur» de Stéphane Larue

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