«Les filles peintes» de Cathy Marie Buchanan – Bible urbaine

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«Les filles peintes» de Cathy Marie Buchanan

«Les filles peintes» de Cathy Marie Buchanan

À l'envers de la toile, un roman sublime

Publié le 25 août 2014 par Sandra Felteau

Crédit photo : Marchand de feuilles

Après avoir séduit le lectorat anglophone au Canada et aux États-Unis, Les filles peintes (version française de The painted girls) est disponible au Québec depuis le printemps dernier. S'inspirant de peintures d'Edgar Degas, Cathy Marie Buchanan mêle réalité et fiction dans ce roman historique prenant place en France à la fin du dix-neuvième siècle. 

Il est très facile de perdre la notion du temps en lisant Les filles peintes. On oscille (d’abord lentement, puis de manière plus saccadée vers la fin) entre les perspectives de deux soeurs du demi-monde parisien, dont le quotidien déjà précaire s’assombrit avec la mort subite de leur père. Antoinette, l’aînée, n’a pas la langue dans sa poche et cela lui a attiré une foule d’ennuis à l’école de l’Opéra de Paris, où elle danse en échange de quelques francs par mois avant de quitter l’école de danse pour un poste de figurante dans la pièce L’assommoir, inspirée d’un roman de Zola. Sans le salaire du père, ses deux soeurs se voient aussi dans l’obligation de subvenir aux besoins de la famille. Antoinette obéit alors à la demande de leur mère les amène en audition à l’Opéra, espérant qu’elles accèdent au statut de ballerine, qu’on appelle alors «petits rats». 

Heureusement, Marie et Charlotte se débrouillent plutôt bien à l’école de danse. La cadette, Marie, se dévoue entièrement au travail, travaillant dans une boulangerie aux aurores avant de passer la journée complète à l’Opéra. Dès les premiers jours, elle fait la connaissance du fameux Edgar Degas, qui suscite toutes sortes de réactions chez les danseuses de l’école. Fasciné par sa physionomie et son corps déjà fatigué par le travail, les pointes et les carences alimentaires, l’artiste lui demande de venir poser pour lui quelques heures par semaines, lui assurant ainsi un revenu supplémentaire.

Mais Degas n’est pas un voyeur et n’abuse pas de son relatif pouvoir auprès des jeunes femmes qui posent pour lui. Il est réellement intéressé par l’aridité du quotidien et les os pointus des épaules des ballerine, et même par les bourrelets et la sueur des blanchisseuses. Dans un des articles du Figaro que lit Marie, on dit d’ailleurs que pour les peintres dits «réalistes», «le corps ne doit par être traité comme un vase, l’oeil n’y cherchant que de jolies courbes. Ils souhaitent connaître et embrasser leur sujet et le reproduire de façon parfaite.» 

Une théorie du criminologue italien Cesare Lombroso, qui soutient que la physionomie des prisonniers les a prédisposés à commettre des crimes, fait d’ailleurs écho à la démarche artistique de Degas et on la rencontre à plusieurs endroits dans le récit. Rebutante, cette idée fait son chemin dans la tête de Marie, qui se compare et s’associe à la description des traits physiques amenée par le théoricien. 

L’écrivaine, qui a elle-même été danseuse et enseignante de ballet, fait preuve d’une grande maîtrise des descriptions de l’univers de la danse classique (les poses, les effets sur le corps, la terminologie propre à cette discipline, etc.), mais aussi du mode de vie parisien au tournant du vingtième siècle et de la vie aride des danseuses, qui la plupart du temps doivent devenir la protégée d’un homme aisé pour financer leurs activités.

On se doute qu’énormément de recherches ont été nécessaires à l’écriture de ce roman. D’ailleurs, à la fin de l’histoire, Buchanan a mis à notre disposition plusieurs informations concernant les faits historiques qui l’ont inspirée tant pour l’élaboration de la structure narrative que pour la psychologie des personnages. Autre ajout intéressant: il est possible de visiter le site www.cathymariebuchanan.com pour visualiser les toiles de Degas présentées dans le roman.  

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