«Ce monde disparu» de Dennis Lehane – Bible urbaine

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«Ce monde disparu» de Dennis Lehane

«Ce monde disparu» de Dennis Lehane

Faire couler le sang pour se faire respecter

Publié le 1 février 2017 par Éric Dumais

Crédit photo : Payot & Rivages

S’il y a bien un nom qui brille sur la scène littéraire américaine à notre siècle, c’est celui de Dennis Lehane, cet Américain aux racines irlandaises, aujourd’hui résident de Boston, et auteur des romans à succès Gone, Baby Gone, Mystic River et Shutter Island, pour ne nommer que ceux ayant été portés au grand écran. Son plus récent roman, Ce monde disparu, offre une immersion en 1943, à Tampa, en Floride, alors qu’autour le monde est en guerre et que la mafia fait ses ravages en son centre.

Décidément, c’est la grande habileté de l’écrivain à bâtir sa trame narrative qui frappe au premier abord, lui qui possède ce don inné de bien raconter une histoire. Déjà, au prologue, Lehane décrit la réception organisée par les mafiosos les plus influents de tout Tampa à travers les yeux d’un journaliste du Tampa Tribune, façon habile et originale de jouer avec sa narration et d’insuffler une nouvelle façon de raconter son récit à l’instar d’une voix off décrivant une scène-clé au cinéma. Aussi, et surtout, Dennis Lehane excelle dans l’installation d’une ambiance, d’un décor et de ses personnages, distillant chaque détail aussi habilement qu’un serveur maîtrisant l’art des sept services au restaurant.

Ce monde disparu, c’est celui de tous ces mafieux et gangsters de sang-froid vêtus de chapeaux chics, de smokings et de nœuds papillon, qui ont eu la main mise sur différentes strates du commerce local et international, non seulement sur le trafic de l’alcool et de la drogue, mais également sur l’import-export et les transports. Ceux-là, ils étaient partout et nulle part à la fois, contrôlant chacune des activités commerciales de leur ville comme si elle leur appartenait. Joe Coughlin et son vieil ami Dion Bartolo, des gangsters de la pire espèce, faisaient partie de ceux-là, même si à l’approche de la cinquantaine leur implication est pourtant moins active que durant leur tendre vingtaine.

Et même s’il s’est retiré du travail illégal, et que c’est son frère d’armes qui a repris les rênes, Coughlin n’a pourtant pas l’esprit en paix, puisqu’on lui apprend que sa vie serait menacée et qu’il serait exécuté un mercredi des Cendres. Pourquoi la tête de ce gangster, aujourd’hui retraité qui plus est, et qui gonfle les coffres de pas mal de gens autour de lui, mérite d’être éliminé? Nul ne le sait, et encore moins le principal intéressé, mais une chose est sûre: apprendre cela le mettra certes en rogne et il n’arrivera pas à fermer l’œil la nuit tant qu’il ne saura pas qui est ce commanditaire mystérieux désirant le supprimer coûte que coûte.

C’est donc dans cet univers où la mafia fait rage, en même temps que la Seconde Guerre mondiale, que Dennis Lehane campe son histoire, laquelle progresse lentement mais sûrement au rythme d’un suspense qui sait se faire attendre, parmi une succession de dialogues fort efficaces. Ce monde disparu, c’est une immersion succincte dans la vie de gangsters qui tentent de se faire respecter et qui ne lésineront pas sur les moyens pour faire couler le sang, si nécessaire.

Même si cette histoire n’a pas l’étoffe d’une Mystic River, la construction narrative habile, les portraits psychologiques complets des personnages et l’instantané réussi d’une tranche d’Histoire font de ce plus récent roman une croisière littéraire néanmoins violente et passionnante.

«Ce monde disparu» de Dennis Lehane, Éditions Payot & Rivages, 348 pages, 39,95 $.

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