«Dans la peau de...» Véronique Grenier, écrivaine et enseignante de philosophie – Bible urbaine

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«Dans la peau de…» Véronique Grenier, écrivaine et enseignante de philosophie

«Dans la peau de…» Véronique Grenier, écrivaine et enseignante de philosophie

Entre l'exaltation et la souffrance

Publié le 20 janvier 2017 par Elise Lagacé

Crédit photo : Marc Étienne Mongrain (photo de l'auteure) et Les Éditions de Ta Mère

Chaque semaine, tous les vendredis, Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à un artisan de la culture afin d’en connaître un peu plus sur la personne interviewée et de permettre au lecteur d’être dans sa peau, l’espace d’un instant. Cette semaine, nous avons interviewé l'écrivaine et enseignante de philosophie Véronique Grenier.

1- «Hiroshimoi» est votre premier roman. Est-il votre premier roman tout court ou a-t-il été précédé de manuscrits qui n’ont pas encore été publiés?

«C’est le premier roman tout court. Faux. Viens-je de me rappeler».

«Il y a eu un recueil de nouvelles, avant. La plupart des textes avaient été publiés dans des revues, mais pas l’ensemble. Ta Mère l’avait d’ailleurs refusé. Hiroshimoi n’est toutefois pas le premier livre qui devait paraître. J’ai deux manuscrits en cours, et en retard, que j’espère sincèrement terminer sous peu, un essai et un long monologue. Je vais faire un jeu de mots terriblement laid et assumé: Hiroshimoi est juste apparu comme une bombe (tudum tsss!), une semaine de juillet. Ce n’est pas un ouvrage pour lequel je me suis assise devant l’ordinateur avec une idée en tête, un plan. Les mots se sont juste déversés. Je n’étais même pas certaine que c’était, à proprement parler, un livre quand j’ai eu terminé. Il semble que oui, au final.»

2- De toutes les formes d’écriture que vous pratiquez (blogue, microblogage, chronique, littérature…), laquelle vous procure le plus d’exaltation? Et de souffrance? (Vous pouvez même considérer comme de l’écriture les corrections de travaux de vos élèves…)

«Exaltation. Quand j’écris avec mon ventre, que je dis les choses telles qu’elles se présentent, se lâchent, s’imposent. Quand je peux jouer avec les mots, la forme. Je le fais un peu partout, je dirais, autant dans les blogues que dans les ouvrages plus formels. J’éprouve un plaisir sincère à «dire», à faire ressentir et rendre des états le plus justement possible.»

«Souffrance. Lorsqu’on me commande un texte, que je doive répondre à des attentes extérieures. J’ai toujours peur de décevoir, de ne pas y arriver. Syndrome de l’imposteur 101».

3- Remarquez-vous une différence entre la vie d’un artiste-écrivain qui se trouve dans les grands centres par rapport à celui qui se trouve excentré (pour ne pas dire «en région», un vocable qui m’horripile au plus haut point)?

«À part le fait qu’on doive souvent se contenter de fréquenter les deux-trois mêmes cafés pour travailler, lorsqu’on n’est pas dans un grand centre, je crois que pas tant. Les opportunités sont peut-être un peu plus limitées, mais encore là, ça varie beaucoup selon la région, sans doute. Sherbrooke, par exemple, offre beaucoup d’occasions littéraires et il y a un dynamisme marqué des différents acteurs et instances culturels. Ultimement, grâce aux réseaux sociaux, beaucoup de choses et de rencontres peuvent aussi se faire «à distance». J’écris dans ma cuisine, dans mon lit, sur des napperons de papier au restaurant, parfois sur mes avant-bras, le lieu change peu mes manières d’écrire et je me déplace, au besoin.»

4- En tant que professeur de philosophie au collégial, comment identifieriez-vous la doctrine philosophique qui englobe le mieux la pensée de la génération de vos élèves?

«Ish. Grosse question. C’est toujours risqué d’y répondre, d’ailleurs. J’ai le goût de la contourner un peu en disant qu’il n’y a pas tant une doctrine qui les circonscrit qu’un certain nombre de constats que l’on peut faire à leur égard. Ils ont peu d’espaces à l’intérieur desquels on reconnaît et valorise leur voix, leurs idées, leurs pensées. Souvent, on balaie leurs opinions du revers de la main, et cela contribue un peu à une forme de sentiment d’inconsidération qu’ils ressentent, que l’on n’a pas besoin de leur apport à la discussion. J’imagine que cela contribue, aussi, à une certaine difficulté d’oser s’engager dans le monde. D’autant plus que, souvent, ce monde ne leur parle pas, ne se soucie pas d’eux. On sous-estime une part de leur solitude, voire même de leur esseulement. Ils vivent beaucoup de pression: performance, vie complexe, obligations multiples. Mais ils ont une volonté de comprendre, de s’intéresser. Il suffit vraiment de leur ouvrir les portes, leur tendre le porte-voix. Les ranger sous la bannière de l’hédonisme, du YOLO, de l’individualisme, c’est se méprendre à leur sujet et les réduire de beaucoup dans ce qu’ils vivent et sont.»

5- On remarque une sensibilité artistique et esthétique très ancrée dans vos publications sur les médias sociaux. Considérez-vous qu’il s’agit là d’un prolongement de l’artiste, de la femme ou du personnage public (ou tout cela à la fois)?

«Tout cela à la fois, j’imagine. Je dirais qu’il n’y a pas de distinction entre l’artiste, la femme et le personnage public. La «moé» des p’tits pis moé, l’enseignante devant la classe, celle qui écrit sur Facebook et celle que l’on croise dans un café, qui donne une conférence ou qui fait une lecture publique sont pas mal la même. Je livre souvent mes viscères et le brut des choses à la vue de tous, autant le faire avec un souci du délicat, de composition. Mais je «méta» très peu ce que je fais et comment je le fais, ça impliquerait une distance d’avec ce qui est livré, énoncé, j’aurais l’impression de trahir quelque chose.»

Pour consulter nos précédentes chroniques «Dans la peau de…», visitez le labibleurbaine.com/Dans+la+peau+de…

L'événement en photos

Par Marc Étienne Mongrain (photo de l'auteure) et Les Éditions de Ta Mère

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