«La vraie nature du cinéma ou l’évolution d’un langage» de Henri-Paul Chevrier – Bible urbaine

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«La vraie nature du cinéma ou l’évolution d’un langage» de Henri-Paul Chevrier

«La vraie nature du cinéma ou l’évolution d’un langage» de Henri-Paul Chevrier

Voyage à travers l’histoire du septième art

Publié le 19 octobre 2017 par Emilie Matthews

Crédit photo : Éditions Somme toute

Oyez, oyez, amateurs de cinéma! Deux ans après avoir publié Le langage du cinéma narratif, Henri-Paul Chevrier et les Éditions Somme toute présentent aujourd'hui La vraie nature du cinéma ou l’évolution d’un langage. Laissez-vous transporter au commencement des années 1930 et parcourez les heures de gloire du cinéma jusqu’à aujourd’hui.

Henri-Paul Chevrier a créé et a enseigné le programme de Cinéma et communication pendant 35 ans au Cégep de Saint-Laurent. Il est dorénavant consultant en scénarisation. C’est plus ou moins la personne idéale pour décortiquer l’histoire du cinéma et nous prendre par la main pour redécouvrir les films les plus marquants. Ce livre est, en quelque sorte, la suite de l’ouvrage publié en 2015, Le langage du cinéma narratif, lequel porte davantage sur la mise en scène au cinéma. Ceux qui l’ont lu reconnaitront les illustrations du bédéiste Jimmy Beaulieu.

La vraie nature du cinéma ou l’évolution d’un langage est le livre idéal pour les néophytes du septième art qui apprendront la chronologie des différents mouvements qu’a connu le cinéma ainsi que ses petits bijoux. Les cinéphiles se régaleront aussi de cette œuvre qui rafraîchira leur mémoire, et ces derniers pourront même découvrir quelques films qu’ils ne connaissaient pas.

Le livre de cent cinquante-deux pages est organisé en neuf sections, chacune dédiée à une phase ou à un mouvement-clé du cinéma, ainsi qu’une introduction et une conclusion. Chaque chapitre inclut une liste recommandant des films évoqués dans le chapitre en cours de lecture.

Le premier chapitre se consacre au cinéma classique des années 1930 à 1960 et à son langage particulier composé de plans courts et rapprochés, et de flashbacks servant à bien découper l’intrigue. Les films de cette époque portent toujours sur l’histoire d’un personnage auquel le spectateur va s’identifier. L’auteur présente la notion de cinéma d’auteur où le cinéaste donne son point de vue en citant Scorsese et Tavernier en guise d’exemples.

Le lecteur plonge ensuite dans le monde de ceux qui «[…] refusent de découper tout ce qu’ils racontent pour donner plus de réalisme et d’authenticité au cinéma et lui garantir plus de liberté.», soit le deuxième chapitre consacré au cinéma moderne. Pour les cinéastes de cette période, le style des films est «[…] le seul fondement de la vérité». En effet, le style ici l’emporte sur tout contexte socio-économique et politique. On trouve le sens du film dans son montage.

C’est la naissance de la nouvelle vague, les critiques des Cahiers du cinéma posent leurs stylos et prennent les caméras. Les cinéastes sortent du studio pour aller s’exprimer à travers les lentilles de la caméra dans la rue. L’auteur recommande À bout de souffle (1960) de Godard comme film emblématique de la Nouvelle Vague. C’est le mouvement précurseur du cinéma subjectif, minimaliste et déréalisé.

Ensuite, le troisième chapitre traite du cinéma subjectif (surprise!) On veut adopter le point de vue cognitif du personnage, entrer dans sa «réalité mentale» en imitant la technique du flux de conscience (stream of consciousness) de James Joyce et Virginia Woolf. La séparation entre la réalité et l’imaginaire se brouille, par exemple, dans Hiroshima, mon amour (1959). 

Au quatrième chapitre, on découvre le cinéma minimaliste, qui s’inspire du nouveau roman et de ses auteurs des Éditions de minuit, comme Alain Robbe-Grillet et Nathalie Sarraute. Ce cinéma ne peut pas expliquer le monde, car celui-ci est absurde. Les portraits psychologiques des personnages perdent leur cohérence, leur logique et toute vraisemblance.

Vient ensuite le cinéma déréalisé du cinquième chapitre. On rompt les liens entre les spectateurs et les personnages, on ne cherche plus à analyser ces derniers. Ils représentent des concepts comme la violence. Les scènes ne sont plus liées par des liens logiques, le film devient une sorte de collage d’improvisations de dialogues, de découpage de scène, etc. Le cinéma surréaliste, ses univers oniriques et le cinéma baroque des trompes l’œil appartiennent également à cette période. L’auteur recommande Pierrot le fou (1965) et Mulholland Drive (2001) comme films à l’image du cinéma déréalisé.

L’auteur présente ensuite au lecteur ce qui semble être le contraire de cette période, le cinéma réaliste du sixième chapitre. Ce cinéma dresse un portrait de notre monde, tente de le comprendre. On parle de cinéma social. Le néoréalisme italien n’utilise même plus d’acteurs après la Seconde Guerre mondiale, et d’ailleurs ceux-ci sont filmés au sein de ruines réelles comme dans Rome, ville ouverte (1945). On décrit la réalité d’une simplicité crue. Dans la même veine, le Free Cinema britannique met en scène le quotidien de gens ordinaires coincés entre un désir de révolution et le désespoir.

Le cinéma engagé du septième chapitre pousse le cinéma réaliste vers une étape plus loin. On veut non seulement comprendre ce qui se passe à l’écran, mais également trouver des moyens pour s’en sortir. Après le mois de mai de l’année 1968, on pointe du doigt la corruption et l’hypocrisie du gouvernement et de la police. Monsieur Chevrier conseille au lecteur de consulter les œuvres d’Abbas Kiarostami et Michael Haneke pour comprendre le cinéma réflexif, qui remet en question comment le spectateur voit et interprète les images.

Après le cinéma engagé vient le cinéma social, qui souhaite nous apprendre à vivre d’une meilleure façon dans notre société. On met en scène des problèmes sociaux controversés telle que l’homophobie comme avec Dallas Buyers Club (2013). Ce cinéma démontre que la société dicte notre comportement et fait la lumière sur des problèmes sociaux. Au revoir, Lénine! (2003) nous montre un portrait de famille représentatif d’une société berlinoise après la chute du mur de Berlin.

Le neuvième chapitre se concentre sur les cinémas du monde. Les cinéastes utilisent les analogies, allusions et métaphores pour illustrer des réalités douloureuses que de nombreuses personnes tentent d’ignorer parce que c’est plus facile ainsi. D’après l’auteur, les cinémas du monde sont d’une importance cruciale, car si le cinéma n’est pas lui-même témoin de l’Histoire, il peut le devenir en nous replongeant dedans, comme en abordant différents angles. Par exemple, No Man’s Land (2001), Krugovi (2013) et Un jour comme un autre (2015) abordent tous la guerre des Balkans de points de vue radicalement différents.

La conclusion se concentre sur «[…]ce qu’il reste du cinéma […]», et on y dénote un ton légèrement amer et nostalgique. Certes, notre façon de regarder les films a changé depuis l’arrivée des jeux vidéos, des DVD et surtout avec l’apparition de services de transmission sur demande comme Netflix et Hulu.

Certains diront que nous vivons à l’ère des séries. En effet, elles se multiplient, se développent et se complexifient de plus en plus. Nous ne faisons qu’entrer dans ce qui aurait peut-être été le dixième chapitre de ce livre si Monsieur Chevrier l’avait écrit dix ans plus tard!

De plus, le cinéma se porte bien et n’existe pas seulement pour divertir. Évidemment, le «[…]cinéma mainstream, pour un public d’adolescents incultes […]» existe, et il est sûrement plus présent qu’autrefois, mais ce n’est pas le seul cinéma qui existe. D’après Monsieur Chevrier, «[…] le ruban blanc (Haneke, 2009) pourrait servir de modèle pour un cinéma de la résistance […]». Mais nous ne vivons pas dans une société sans films engagés, sans films qui protestent, sans films qui résistent. Sinon, comment décrire Hidden Figures, Spotlight, American Violet, American History X, ou The Whistleblower parmi tant d’autres?

Ces films instruisent le public sur des périodes sombres ou cachées de l’Histoire et encouragent les spectateurs à résister au silence, à ne pas fermer les yeux et à se battre contre l’injustice. Si cela n’est pas l’essence du cinéma engagé, alors qu’est-ce qui le représente?

N’attendez plus pour plonger dans l’univers magique du cinéma en vous procurant le livre en librairie pour 17,95 $.

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  • «La vraie nature du cinéma ou l’évolution d’un langage» de Henri-Paul Chevrier
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