«Les albums sacrés»: le 30e anniversaire de «Danzig» – Bible urbaine

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«Les albums sacrés»: le 30e anniversaire de «Danzig»

«Les albums sacrés»: le 30e anniversaire de «Danzig»

Un succès tardif grâce à «Mother»

Publié le 26 janvier 2018 par Isabelle Lareau

Crédit photo : Warner Bros.

Certains artistes sortent de la norme établie pour offrir une musique à leur image. Parfois, cela donne un excellent résultat, comme c’est le cas avec Danzig. Sous ses airs de métalleux à tendance gothique se cache un geek. En effet, le chanteur affectionne les films d’horreur et a consacré sa jeunesse à la lecture de bandes dessinées. Son amour pour le gore l’a inspiré tout au long de sa carrière. Il a donné une couleur sombre au son de ses différents groupes, un style qui sera baptisé le horror punk: un sinistre mélange qui n’a pas créé un engouement immédiat…

L’histoire de la formation, et celle de son chanteur, Glenn Danzig (Glenn Allen Anzalone), est intéressante, pas seulement à cause des tribulations «normales» d’un groupe rock, mais à cause de Danzig lui-même, quoi!

Après une adolescence chaotique au New Jersey, où il cumula les problèmes avec la justice, il se prit en main et décida de ne plus vendre ni de consommer de la drogue. Il s’intéresse énormément à la musique et fait partie de plusieurs formations au secondaire. Avide lecteur, il s’intéresse autant à l’histoire, à l’épouvante et à la théorie du complot. Il est également un amateur du bédéiste Michael Golden; il a même fait appel à ses services pour la pochette de l’album homonyme.

Danzig a d’abord fait partie des mythiques Misfits, qu’il a formés avec un ami du secondaire, le bassiste Jerry Only (Gerald Caiafa). Il est celui qui a façonné le look de la formation: physique musclé,  maquillage cadavérique et coiffure originale, le devilock (une longue mèche de cheveux torsadée à l’avant du crâne et qui tombe sur le visage). Un look très Halloween récupéré par Danzig, qui ajoute sa touche personnelle à ses vêtements de scène. Ils furent les seuls membres constants lors de la première incarnation du groupe, de 1977 à 1983. Leurs influences, Black Sabbath, Deep Purple, spécialement au niveau de la guitare, sont reconnaissables, mais on décèle aussi de lointaines racines blues.

Doyle Wolfgang von Frankenstein (le frère de Jerry, Paul Caiafa) était un roadie pour les Misfits, et a appris la guitare grâce à Danzig et Only. Il remplacera leur guitariste, congédié pour ne pas être présenté à une séance d’enregistrement. Il est encore plus musclé que son frère, même maquillage et coiffure cependant. Visuellement, la formation est impressionnante, tout comme leur logo, le fameux crâne (inspiré de l’affiche promotionnelLE du film The Crimson Ghost (1946)) qui devient leur emblème.

À l’époque, Danzig se sentait frustré du manque de constance (dix-sept membres officiels, excluant Danzig et Only, en cinq ans) au sein du groupe et le dissout. Il se consacre alors à Samhain, un projet parallèle plus sombre encore que les Misfits. D’ailleurs, une dispute juridique quant au nom Misfits a eu lieu entre les deux hommes, en 1995. Only gagna les droits pour utiliser le nom, malgré le fait que Danzig était l’unique compositeur des chansons de la formation punk. Ils se sont réconciliés depuis et offrent, ensemble, des concerts à l’occasion sous le nom de Misfits!

L’apport d’un certain Rick Rubin

Danzig se concentra sur Samhian, lança des disques et présenta des spectacles, sans résultat intéressant. Parfois, même un groupe original et talentueux n’arrive pas à se démarquer… En fait, le groupe cherchait une maison de disque quand un certain Rick Rubin (un réalisateur influant qui a travaillé avec Adele, Beastie Boys, Damien RiceSlayer…) les vit sur scène et fut particulièrement impressionné par la voix de baryton du chanteur. En 1986, il parvient à un accord avec Danzig et son bassiste Eerie Von. Puisque le groupe raffinait son style, il a été convenu de le renommer d’après le surnom du chanteur afin de refléter cette nouvelle direction. Le guitariste et le batteur ne survivront pas à ces changements et seront remplacés. Les membres enregistrèrent avec Ruben un premier album pour cette nouvelle incarnation, qui parait en 1988, intitulé Danzig.

Le destin improbable de «Mother»

Pourquoi est-ce que pièce est si géniale? Les riffs, les paroles subversives… Écrites avec, pour objectif, d’être provocatrices, elles sont une bravade à l’égard de la censure, plus spécialement à l’endroit du Parents Music Resource Center, une défunte organisation qui souhaitait encadrer les enfants, histoire qu’ils ne tombent pas sur de la musique dite violente qui parle de choses telles que la drogue et le sexe… Mais la controverse ne s’est pas arrêtée là; le vidéoclip a été interdit sur les ondes de MTV en raison des images associées à la sorcellerie et à un sacrifice animal: on y voit un poulet être tué à mains nues, par Danzig. Le sang se répand sur le ventre d’une femme. Une croix inversée est tracée dans le sang par une autre femme qui se lèche les doigts.

En 1988, certains groupes religieux aux États-Unis ont été scandalisés. MTV a cédé à la pression du Parents Music Resource Center et du lobbyisme religieux et refusa de diffuser «Mother». Cinq ans plus tard, l’un des compétiteurs de la station joua à répétitions le remix de la chanson (il s’agit d’une version comprenant des segments vidéo de différents concerts, donc moins problématique). Mais comme l’expliquera Glenn plus tard, MTV, ne voulant pas se laisser dominer par la compétition, a dû revenir sur sa décision et diffuser la fameuse chanson, dans sa version décolorée cependant. Même à ce jour, Danzig est convaincu que le succès de «Mother» n’a rien à voir avec MTV, les accusant toujours d’être de mauvaise foi, bien qu’il admet que c’est Ruben qui aurait, par mégarde, envoyé la version non censurée… Quoi qu’il en soit, il est très fier de cette pièce. Et le groupe a finalement atteint le statut de culte.

Tempérament violent, humour et internet

Glenn se démarque aussi par son style glauque et son attitude. En effet, du haut de ses 5’3 (1,60 m), il est menaçant. Sérieusement! Il est ultra musclé et est un adepte de Muay Thai et de Jeet Kune Do (la discipline de prédilection de Bruce Lee). Des connaissances qui ne sont pas toujours utilisées à bon escient: il n’hésite pas à rouer de coups les photographes, musiciens et spectateurs lorsqu’il se fâche après eux. Parfois, le chanteur fait même appel à ses agents de sécurité pour tabasser les fans jugés trop insistants. De plus, lorsqu’il s’insulte ses détracteurs, il utilise des propos homophobes.  

Il est très exigeant, autant envers lui-même qu’envers les autres. Mais il a, à l’occasion, le sens de la dérision. En effet, il a été bon joueur et a participé à un sketch de Portlandia, se moquant de son apparence gothique. Mais sa contribution la plus rigolote, c’est sa «reprise» de «Hips Don’t Lie» de Shakira.

Il inspire également certains des meilleurs memes et vidéos sur internet… Après qu’une photo peu flatteuse du musicien, sortant de l’épicerie et transportant de la litière pour chat, quelqu’un a jugé pertinent de revisiter «Mother», avec un résultat douteux… Il y aussi la fameuse altercation avec Danny Marianino de North Side Kings, qui a assené un coup de poing à Danzig après qu’il ait insulté son groupe; ce dernier tomba, inconscient. Cette histoire a même fait l’objet d’un livre de la part de l’assaillant.

Des histoires amusantes, d’autres très regrettables, qui portent au legs musical du musicien. Il ne faut pas oublier que Danzig est un autodidacte très talentueux. Il sait jouer, grâce à des cours lorsqu’il était enfant, du piano et de la clarinette, mais il a appris par lui-même la guitare et le chant. Sa voix profonde, basse et lugubre à souhait est formidable. Elle cadre parfaitement avec son style horreur et punk. On dirait un astucieux amalgame du timbre de Peter Steele, d’envolées dignes de Jim Morrison et du petit côté brut d’Iggy Pop, du moins dans ses débuts. Il est un parolier très estimé par ses pairs. Il incorpore des éléments visuels plutôt occultes, voire sataniques, mais on sent que c’est exactement cela: un choix esthétique dicté par ses intérêts. La présence de femmes qui dansent lascivement dans les vidéos du groupe, enlève, selon moi, un peu de cet aspect effroyable, malheureusement.  Cela adoucit le ton de façon un peu ringarde.

La formation est maintenant considérée comme l’une des pionnières du genre horror punk, mais la reconnaissance est venue beaucoup plus tard. En fait, autant les Misfits que Danzig profitent du facteur nostalgie pour offrir des tournées aux admirateurs.

Surveillez la prochaine chronique «Les albums sacrés» le 8 février 2018. Consultez toutes nos chroniques précédentes au labibleurbaine.com/Les+albums+sacrés.

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