«Les albums sacrés»: le 30e anniversaire de «Music for the Masses» de Depeche Mode – Bible urbaine

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«Les albums sacrés»: le 30e anniversaire de «Music for the Masses» de Depeche Mode

«Les albums sacrés»: le 30e anniversaire de «Music for the Masses» de Depeche Mode

Transcender les modes et le temps

Publié le 24 mars 2017 par Isabelle Lareau

Crédit photo : Sire Records / Warner

Il y a certains groupes qui portent l’étiquette «alternative» sans que je saisisse trop pourquoi. Parmi ces formations, il y a des géants de la musique tels que The Cure et Depeche Mode. Dans le cas de ces derniers, leur immense succès a défié toutes les prédictions. Dépassant largement la scène new wave, le groupe a su se faufiler sur les ondes des diverses stations de radio rock. Leurs chansons créent toujours un engouement sur le plancher de danse, et ils remplissent des arénas à chacune de leur tournée… En fait, avouons-le sans détour: les Anglais ont conquis les masses.

Depeche Mode a vu le jour en 1980 et, à l’origine, le groupe se nommait Composition of Sound. Celui-ci comprenait Martin Gore (clavier, guitare et chant), Andrew (Andy) Fletcher (basse et clavier) et Vince Clarke (clavier et guitare, il quitta en 1981 et fut remplacé par Alan Wilder). Cependant, et bien que de courte durée, le rôle de Clarke a eu un effet déterminant: c’est lui qui a découvert David (Dave) Gahan, après l’avoir entendu chanter «Heroes» de David Bowie. Il a également composé «Just Can’t Get Enough» (1981), le premier succès fulgurant du groupe. Music for the Masses est leur sixième album.

Se heurtant continuellement aux critiques qui estimaient que leur musique n’était pas assez commerciale, le titre du disque se voulait ironique!

Inscrit dans la vague new wave et synthpop de l’époque, Depeche Mode a su créer des chansons raffinées, mélodieuses et texturées. Dans les années 80, il arrivait que, parfois, l’omniprésence du clavier nuise à la musique; trop de segments simplistes en boucles contribuaient à créer des chansons insipides. Ce n’est pas le cas avec Depeche Mode, qui très axé sur l’expérimentation. En ce sens, je dirais que la formation anglaise est davantage synthpop avec un rare talent pour la pop noire et intelligente.

L’âme de Depeche Mode

Je crois sincèrement que l’on doit énormément à Martin Gore, car il est la force créative derrière les paroles fantastiques de la formation. Par ailleurs, le fait que Gore soit le parolier exclusif devint une source de conflit entre lui et Gahan. Le chanteur a finalement donné un ultimatum: s’il ne pouvait écrire des chansons pour l’album Playing The Angel (2005), il ne voulait plus faire partie du groupe. Fort heureusement, cela n’est pas arrivé.

Mais revenons à Gore: il possède un flair unique pour parler de politique, de religion, d’égalité, de désir et d’ambiguïtés sexuelles tout en insufflant une aura de noirceur mystérieuse. Sa sensibilité est bien présente et son regard sur la société est juste, bien que quelque peu pessimiste. Lorsqu’il parle d’amour, on perçoit la sensualité dont le groupe sait faire preuve, une séduction subtile mais enivrante. Le tout, enveloppé dans une musique lascive.

Il laisse généralement la place à Gahan en ce qui a trait au chant, mais il prête sa voix à quelques chansons. Sur Music for the Masses, il est le vocaliste principal des extraits «The Things You Said», «I Want You Now» et «Route 66» (une reprise de Bobby Troup). Cependant, les deux artistes se complètent de façon extraordinaire au niveau des harmonies, les refrains sont d’une fluidité exquise.

Mais qu’est-ce qu’un groupe sans un chanteur?

Dave Gahan, quelle voix sublime! Je crois qu’il a l’une des meilleures voix de sa génération et qu’il n’est pas suffisamment reconnu pour son talent. Séduisant et chaleureux, son timbre de baryton est parfait pour donner vie aux textes de Gore. De plus, sur scène, il est captivant; son charme, ses mouvements et sa présence font de lui une redoutable bête de scène. Je ne les ai vus qu’une seule fois en concert et, croyez-moi, le public crie à tue-tête dès qu’il met les pieds sur la scène. J’ai cru que j’allais devenir sourde.

Music for the Masses contient plusieurs succès, dont «Never Let Me Down Again», une pièce quasi parfaite. Lorsqu’on se ferme les yeux et qu’on l’écoute, il est impossible de ne pas se sentir transporté dans un autre univers, de flotter dans l’espace et d’observer ce qui se passe en dessous. Plusieurs hypothèses existent par rapport à la signification des paroles: il peut s’agir ici de drogues ou, peut-être, comme certains le croient, d’un lien singulier entre deux hommes…

La rumeur veut que «Little 15» soit à propos d’une femme mature qui s’entiche d’un adolescent afin de goûter, encore une fois, à la naïveté d’une jeunesse révolue. «Strangelove» est un parti pris pour l’acceptation de pratiques sexuelles plus osées: «Will you take the pain / I will give to you? / Again and again / And will you return it? (…) I give in to sin / Because I like to practice what I preach».

Bien sûr, une formation est rarement complète sans une image. C’était particulièrement vrai dans les années 80, décennie qui a vu l’apparition du vidéoclip. Et ça, Depeche Mode l’a compris: Fletcher était à la mode, bien que discret, Gahan était le chanteur charismatique, beau et élégant (je vous rappelle que l’on discute ici des années 80) et Gore, l’excentrique, qui n’hésitait pas à porter des accessoires sadomasochistes, de la lingerie et des vêtements féminins. Un amalgame curieux et mis à profit grâce à l’excellent photographe Anton Corbijn, qui a réalisé plusieurs de leurs vidéos, dont «Strangelove», «Never Let Me Down Again» et «Behind the Wheel».

L’esthétisme rétro, les images en noir et blanc ainsi que l’aspect secret et voyeur font en sorte que ces clips ont bien vieilli, tout comme leur musique.

Surveillez la prochaine chronique «Les albums sacrés» le 30 mars 2017. Consultez toutes nos chroniques précédentes au labibleurbaine.com/Les+albums+sacrés.

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