«Les albums sacrés»: le 40e anniversaire du premier disque de The Clash – Bible urbaine

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«Les albums sacrés»: le 40e anniversaire du premier disque de The Clash

«Les albums sacrés»: le 40e anniversaire du premier disque de The Clash

Le seul groupe qui compte vraiment

Publié le 23 février 2017 par Isabelle Lareau

Crédit photo : CBS / Sony

La formation culte est intimement liée à l’histoire du punk. Certes, on doit le punk, en partie, grâce aux Ramones et aux New York Dolls, qui inspirèrent (ou non) un certain Malcom McLaren à créer les Sex Pistols en 1975. Un peu comme un boys band, d’une certaine façon, où les membres furent choisi pour leur personnalité (Johnny Rotten) et leur apparence (Sid Vicious). Le son acrimonieux et l’attitude arrogante des Pistols apportèrent un vent de changement dans l’univers musical anglais…

À vrai dire, c’est après avoir vu les interprètes de «God Save The Queen» sur scène que Joe Strummer et Mick Jones décident de changer de direction musicale, et ce, avant même de s’être rencontrés. Jones, qui faisait déjà du punk avec son groupe London SS, fut fortement impressionné par ce spectacle; il y voit le futur de la musique.

Il recrute alors Paul Simonon à la basse, instrument qu’il a adopté après avoir été séduit, lui aussi, par les Pistols. Pour sa part, Strummer croit également que l’avenir sera à l’image de ce «nouveau son» et quitte son groupe rock (en 1976, the 101’ers) afin de se joindre à cette nouvelle formation qui saura intégrer le punk, un son qui reflète davantage sa vision. Le groupe recrute Terry Chimes comme batteur, mais celui-ci sera remplacé un an plus tard par Topper Headon. L’incertitude par rapport au batteur est la raison pour laquelle il n’apparaît pas sur la pochette de The Clash.

Les Londoniens désirent ardemment réussir et répètent souvent. Ils obtiennent quelques contrats en tant que première partie. Lorsque l’occasion d’enregistrer un premier album se concrétise, un an plus tard, ils sont enchantés et s’appliquent. Le quatuor et le gérant sont satisfaits du son brut et endiablé du disque homonyme, ce qui ne se sera pas toujours le cas, par ailleurs, à travers l’histoire du groupe.

Un premier album révolutionnaire

Ce disque est incontournable. The Clash y annonce qu’il est une formation pertinente, douée pour la musique grâce à leur mélange des genres, qui est particulièrement bien réussi, mais aussi en raison de leur identité. Et toutes les chansons du disque, sans exception, sont excellentes. «Janie Jones», où l’on entend clairement l’influence des Ramones, est une introduction juste et prometteuse. «Remote Control» et «Garageland» laissent deviner la raison d’être des musiciens et tout le potentiel dont ils sauront faire preuve tout au long de leur existence. «What’s My Name» démontre avec éloquence leur talent pour les harmonies vocales. Celles-ci sont puissantes, sans être trop mielleuses, et entraînantes; The Clash n’hésitera pas à y faire appel par la suite.

L’extrait «Deny», on perçoit le rôle des Sex Pistols qui fut déterminant dans le son du groupe, mais aussi comment The Clash est unique; il ne s’agit d’une variation, mais bien d’une réinvention des accords de basse et guitare. «London’s Burning» est une chanson qui, selon moi, représente bien le groupe et indique parfaitement où sont les forces de The Clash; refrain rythmé et mordant, chœurs vocaux qui sont un appel à l’action et des riffs de guitare solides.

Attitude revendicatrice et ouverture musicale

The Clash avait une approche différente de ses contemporains; rejetant l’apathie et le nihilisme, ils embrassèrent l’activisme, du moins, sur le plan des paroles, et se distinguèrent ainsi des groupes comme The Damned, Ramones et, surtout, des Sex Pistols. Mais, ce qui les rendait uniques, c’est l’esprit de fraternité; Strummer et Jones écrivaient des paroles rassembleuses, idéalistes, bien qu’ancrées dans la réalité des gens de la classe ouvrière, qui ne se reconnaissent pas dans le discours des politiciens, encore moins dans celui de la monarchie. De plus, le rythme est énergique sans être effréné, ce qui The Clash rend accessible sans pour autant tomber dans la facilité.

Et bien que l’on ait apposé l’étiquette punk, je dirais que les musiciens font bande à part à ce niveau: leur son est trop diversifié et dépasse largement le cadre restreint du punk. Le quatuor a des racines dans le rock classique, et Joe Strummer était un grand amoureux du ska et du reggae (la reprise du titre «Police and Thieves» de Junior Murvin démontre son attachement profond à la culture jamaïcaine); ces influences s’entendent dans leur musique, ce qui leur confère une certaine originalité, mais aussi une structure mélodique qui n’est généralement pas associée au punk.

Et bien que Mick Jones et Joe Strummer écrivaient ensemble les chansons, c’est Strummer qui chantait la plupart du temps, sa voix rugueuse est liée indéniablement à The Clash. Sa voix nous est familière et c’est lui qui incarnait The Clash auprès des admirateurs. Davantage charismatique que Jones, j’ai parfois l’impression que ce dernier n’a pas eu droit à la reconnaissance qu’il mérite.

Après une carrière de dix ans et six albums, les tensions internes causèrent la dissolution officielle du groupe. C’était, en quelque sorte, une mort lente et douloureuse; Jones ne faisait plus partie du groupe depuis 1983 et Headon avait été remercié en raison de sa consommation de drogues en 1982. Le dernier opus, Cut the Crap (1985), avait déçu autant les mélomanes que la formation elle-même.

Par la suite, The Clash n’a jamais eu l’occasion de se réunir à nouveau: Joe Strummer mourut en 2002 à l’âge de 50 ans (malformation cardiaque). Un de mes amis (et grand mélomane) dit souvent que l’une de ses plus grandes tragédies personnelles est le fait qu’il ne verra jamais The Clash et, surtout, Strummer sur scène; je crois que nous partageons tous cette tristesse.

Surveillez la prochaine chronique «Les albums sacrés» le 9 mars 2017. Consultez toutes nos chroniques précédentes au labibleurbaine.com/Les+albums+sacrés.

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