«Les artistes sacrés»: David Bowie (1947-2016) – Bible urbaine

Musique

«Les artistes sacrés»: David Bowie (1947-2016)

«Les artistes sacrés»: David Bowie (1947-2016)

L’irremplaçable homme des étoiles

Publié le 14 janvier 2016 par Mathieu St-Hilaire

Crédit photo : Tous droits réservés

D’aussi longtemps que je puisse me rappeler, David Bowie a toujours été présent. Je me souviens du petit gars rivé devant son écran à regarder Labyrinth, où Bowie y jouait le rôle de Jareth, roi des gobelins. Déjà, je pouvais sentir une aura particulière, tant dans son allure vestimentaire que dans sa prestation très théâtrale. Parce que Bowie a toujours été visuellement sidérant, on le sait bien. Puis c’était aussi les premières chansons que j’entendais de lui. «Peut-être pas les meilleures», vous me direz, mais c’était assez pour frapper l’imagination d’un p'tit bonhomme de six ans. À partir de cet instant, l’influence de David Bowie a toujours guidé, que ce soit directement ou indirectement, mes choix musicaux.

Parce que jamais je n’écrirais ces lignes sans Bowie.

Comme son bon ami Lou Reed, sa vision de l’art et du rock ‘n’ roll était certes: pas de restrictions, pas de politesse et pas de portes fermées. Nous vivons des vies ordinaires, mais à l’intérieur nous sommes tout sauf anodins.

David Bowie l’avait saisi et s’assurait toujours de rester en contact avec sa source de créativité extraordinaire. «I’m just a mortal with the potential of a superman», disait-il. Il allait vers le tabou, vers l’interdit et se foutait bien des conventions. Voilà comment l’art, qu’il aimait plus que tout, va de l’avant et brise des frontières. Bowie m’a sans aucun doute appris à aller voir plus loin et à écouter autrement: c’est là que se cachent les plus belles richesses. Il était toujours connecté sur ce qui se faisait ou sur ce qui allait se faire; une véritable mappemonde des nouveaux courants culturels, sous-culturels, musicaux et littéraires. On peut appeler ça de l’avant-garde. Dans le cas de Bowie, on pourrait dire qu’il voyait carrément le futur. Einstein disait que l’imagination était mille fois plus importante que la connaissance, car cette dernière aura toujours ses limites. Personne dans la musique pop des cinquante dernières années n’a fait aller son imagination comme l’homme des étoiles.

Là réside tout son héritage.

Comme nous avons une chronique intitulée «Les albums sacrés», nous avons tout d’abord songé rendre hommage à David Bowie en parlant de son album le plus marquant. Mais comment choisir une seule œuvre à travers un répertoire si gigantesque? Bien sûr, il m’aurait été possible de prendre mon album préféré de sa collection (Station to Station en 1976) et d’en faire une chronique, mais comment ne pas faire mention de tous les autres? Comment ignorer ses multiples réinventions et sa multiplication d’identités?

Alors voici un bref résumé de son immense carrière musicale.

Les débuts d’un artiste toujours à l’avant-garde

La chanson qui l’a fait connaître est celle que tout le monde semble découvrir en premier lorsqu’il est question de Bowie: «Space Oddity» en 1969. L’homme qui sera à l’avant-garde d’innombrables courants musicaux et esthétiques est déjà bien ancré dans le présent mais surtout dans l’avenir. D’ailleurs, le plus grand don de Bowie à travers les années sera probablement son incomparable flair artistique. Il sera ainsi la plupart du temps des années avant son temps, toujours à la recherche de la nouveauté et de l’innovation. Ainsi, le folk-psychédélique spatial de «Space Oddity» projette Major Tom seul dans l’espace. La mélodie est mémorable et l’allure androgyne de Bowie est frappante.

Le futur est arrivé.

Après le plus rock The Man Who Sold the World en 1970, Bowie fait paraître son premier album majeur, Hunky Dory, en 1971. On y retrouve un artiste qui mélange admirablement ses influences (Dylan, The Velvet Underground, Andy Warhol) avec des sonorités pop très actuelles. D’ailleurs, David Bowie aura un impact considérable dans la résurrection de la carrière de ses héros Lou Reed et Iggy Pop dans les années 1970. «Life On Mars?» et «Quicksand» sont toujours de véritables bijoux aujourd’hui. Hunky Dory est un incontournable dont l’ambition n’a d’égale que la qualité exceptionnelle de ses compositions. Son album le plus humain.

https://www.youtube.com/watch?v=v–IqqusnNQ

Ziggy Stardust et son influence sur le glam rock et le punk

Bowie réalisera ensuite l’une des œuvres les plus marquantes de l’histoire du rock n’ roll: l’extraordinaire The Rise and Fall Of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars en 1972, où le chanteur semble se métamorphoser sur chaque pièce. Ziggy deviendra l’une des créations les plus mythiques de l’histoire et fera de Bowie une superstar. Ziggy Stardust aura une influence sur le glam rock et, plus tard, sur le mouvement punk de la fin des années 1970. Suivra ensuite le très sous-estimé Aladdin Sane (1973) où Bowie continuera de surfer sur la vague de son fascinant alter ego.

David Bowie n’aime pas faire du surplace, alors il décide de retirer officiellement Ziggy Stardust et d’écrire un album basé sur le livre 1984 de George Orwell, Diamond Dogs, en 1974, qui contient notamment «Rebel Rebel», un de ses plus gros succès. L’année suivante, son album Young Americans explorera des sonorités soul, funk et disco et sa chanson «Fame», co-écrite avec John Lennon, atteindra le sommet du Billboard aux États-Unis. À elle seule, l’évolution entre Hunky Dory et Young Americans, qui ne couvre pourtant qu’une période de quatre ans, ferait de Bowie un artiste d’exception, sauf que ce dernier allait atteindre, selon moi, son sommet de créativité lors de ses prochains albums.

La période berlinoise de Bowie

Station to Station est le disque transitoire qui verra David Bowie plonger dans des eaux beaucoup plus introspectives. Pour ce faire, il s’inspirera des groupes allemands Kraftwerk, Can et Neu! pour créer un nouvel univers plus froid et paranoïaque. Il s’installera même à Berlin avec son ami Iggy Pop. Il s’agit de la période la plus expérimentale de la carrière de l’artiste britannique. Le monumental Low, que plusieurs considèrent comme son meilleur, arrivera en plein mouvement punk en 1977. Toutefois, Bowie est déjà ailleurs: il expérimente ici de brillante façon avec l’électro et la musique ambiante, prélude au post-punk qui suivra. Le long-jeu Heroes empruntera un peu la même formule que son prédécesseur, et mettra en vedette la chanson du titre, une pièce qui retentit toujours avec la même force quarante ans plus tard. À noter que lors de la même période, il co-écrira les albums Lust for Life et The Idiot d’Iggy Pop.

Après avoir été une figure de proue d’à peu près tous les genres et les sous-genres musicaux des années 1970, il revient à la charge au tout début des années 1980 avec Scary Monsters, qui contient l’exceptionnel single «Ashes to Ashes». Bowie entre donc tête première dans le new wave. L’année suivante, il apparaît sur la chanson «Under Pressure» de Queen, qui récolte un succès foudroyant. L’album Let’s Dance, même s’il déplaît aux critiques, fait de Bowie une star du vidéoclip sur MTV (le mariage était tout à fait naturel). Il poursuivra son parcours en formant le groupe plus hard-rock Tin Machine, avec qui il enregistre quelques disques au tournant de la décennie.

Les années 1990 et la fin

Au cours des années 1990, il flirtera avec la musique électro, drum n’ bass et même industrielle, collaborant avec Trent Reznor de Nine Inch Nails. Il sera admis au Rock and Roll Hall Of Fame en 1996 alors qu’il est encore très actif artistiquement. Les années 2000 verront Bowie revenir à un son plus classique, suscitant toujours un intérêt particulier pour chaque sortie d’album. Après une disparition de plusieurs années, il prend tout le monde par surprise en 2013 avec la sortie de The Next Day, qui séduit les critiques.

Son dernier album, Blackstar, paraîtra le jour de son 69e anniversaire, le 8 janvier 2016. Réalisée alors qu’il combattait secrètement un cancer du foie, la dernière œuvre de David Bowie est en fait son testament; sa grande porte de sortie vers les étoiles. Il succombe de sa maladie quelques jours plus tard, non pas avant d’avoir livré une dernière vidéo pour l’imposante chanson «Lazarus», où il va rejoindre ses milliers de costumes dans son placard.

Sa mort est tragique, certes, mais il nous a quittés de la seule façon qu’il savait faire les choses: avec son imagination débordante.

L'événement en photos

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