«Petit prince» de Rymz – Bible urbaine

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«Petit prince» de Rymz

«Petit prince» de Rymz

Marcher avec ses démons

Publié le 21 avril 2016 par Marie-Hélène Proulx

Crédit photo : Silence d'or et Desrosiers

Rymz a un sens musical, on le sent dans ses introductions. Mais dès que les paroles s'enchaînent, le bombardement prend toute la place, avec ses mots graves, en appuyant sur chaque syllabe, des mots qui font raisonner quelques calembours bien sentis. Ce Petit Prince y décrit, avec une culpabilité évidente, sa dépendance aux femmes. Cette confession sans ménagement justifie, en soi, l'existence de l'album, mais en apprend peu sur le regard qu'il porte sur le monde: ce qu'il rapporte se déroule avant tout entre sa verge, ses tripes et son cœur.

Bien que Rymz admette vivre au rythme de ses impulsions, au moins il ne s’invente pas un rôle de plus mauvais garçon qu’il ne l’est déjà. Sa sincérité et la rigueur avec laquelle il évite la superficialité rendent plus compréhensif quant aux contradictions qui sembleraient franchement agaçantes chez d’autres rappeurs, mais qui apparaissent chez lui davantage comme l’aveu d’un déchirement intérieur.

Ainsi, même si le rappeur semble préférer le langage direct au style imagé, ses références récurrentes aux anges et aux démons révèlent une vision du monde tranchée, mais surtout une part d’ombre intérieure qui le domine et l’effraie. Et devant cette ombre à laquelle il s’identifie, la femme apparaît comme l’aspect lumineux. Rarement, d’ailleurs un rappeur ne se sera montré plus ardent défenseur de la cause féminine:

«Encore une femme qui pleure, encore une fleur qui fane
Encore un drame encore un homme qui n’aimait pas les femmes
Encore un ange pris d’peur, encore un cœur qui crame
Le diable en personne les hommes qui n’aimaient pas les femmes»

Cette idéalisation ne l’empêche pas de revenir incarner par le «je» son propre démon misogyne à plusieurs moments de l’album, en même temps que les pertes qui en découlent. Dans une vie qui n’est pas un conte de fées, le cheminement pour échapper à ses passions, déjà évoqué dans les albums précédents, est long et fragile…

«Tous ces efforts pourquoi? Tout cet or sur moi.
Pass out dans une voiture noire j’m’endors entre une blanche une noire
Blackout!! Frérot, frérot j’suis parti ouais j’suis l’putain d’prince du quartier fréro you better be quiet
frérot ces chiennes vont parler»

L’impression de l’auditeur de devenir prisonnier de cet univers obscur est d’autant plus grande que Rymz a aussi tendance à reprendre la même manière d’utiliser les rythmes. Pourtant, celui qui insiste autant sur sa passion pour le sexe et la musique devrait savoir que, pour les mouvements des corps comme de la langue, la variation des rythmes est un atout majeur pour faire durer l’éblouissement.

Pourtant, l’écoute offre aussi des moments plus lumineux. Dès le départ, sa chanson thème, avec ses références au classique de Saint-Exupéry et le ton plus posé de sa voix, laisse place à l’allégorie et à des accords plus recherchés. Ensuite, le ciel s’assombrit. On continue d’y retrouver, ça et là, des roses malmenées, mais aussi des déclarations d’amour et des utilisations mélodieuses de la voix féminine, particulièrement Élise Larouche et Leila, ainsi que la collaboration fructueuse avec une meute impressionnante de fins renards dont David Lee, Souldia, Maxime Gabriel et Karma.

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