«Les albums sacrés»: le 40e anniversaire de l'opus «Horses» de Patti Smith – Bible urbaine

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«Les albums sacrés»: le 40e anniversaire de l’opus «Horses» de Patti Smith

«Les albums sacrés»: le 40e anniversaire de l’opus «Horses» de Patti Smith

Au-delà des genres

Publié le 12 février 2015 par Mathieu St-Hilaire

Crédit photo : Sony Music

Si le rock au féminin se porte bien aujourd’hui, on le doit certainement en grande partie à Patti Smith. Cette année marque le 40e anniversaire de la sortie de son tout premier album, le sensationnel Horses. Œuvre d’une grande profondeur et d’une intense poésie, l’album est apparu comme une véritable révélation pour de nombreux artistes en 1975. Il est toujours à prendre au sérieux quatre décennies plus tard.

Patti Smith a déjà 28 ans lors de la parution de Horses. Ce détail est crucial afin de comprendre pourquoi la New-Yorkaise (mais née à Chicago) réussit à capter l’imagination au milieu des années 1970. Tout d’abord parce qu’elle fait le pont entre deux décennies. Elle a bien connu les sixties et témoigne régulièrement de l’influence des Dylan, Morrison et Hendrix dans ses réalisations. En même temps, son association avec la scène de New York (qui comprend notamment les Ramones et les New York Dolls) fait d’elle encore aujourd’hui la marraine du punk.

Smith a également la maturité artistique pour s’imprégner autant des poètes maudits que de la beat generation. Elle est d’ailleurs liée d’amitié avec les écrivains William Burroughs et Allen Ginsberg. Elle possède donc un riche bagage culturel lorsqu’elle secoue les fondements de la musique rock en 1975. De par sa libre-pensée artistique qui mélange admirablement bien spiritualité et réalisme, elle impressionne drôlement les jeunes groupes en émergence à l’époque.

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«Jesus died for somebody’s sins / But not mine», lance d’entrée de jeu Patti Smith sur «Gloria», chanson livrée de façon incendiaire dans les tout débuts de Saturday Night Live. Déjà, Smith dérange et provoque d’admirable façon. D’ailleurs, elle a aussi l’intelligence de comprendre que le rock n’ roll et le sexe sont pratiquement indissociables. Son choix de complètement réécrire «Gloria» (vieille chanson de Van Morrison) est un éclair de génie: cette chanson décrit les désirs d’un adolescent envers une certaine Gloria et l’atteinte de la salvation par sa conquête. Ici, elle confond imagerie théologique et sexualité. Et elle confond aussi les genres.

La chanson suivante, «Redondo Beach», mélange rock et reggae dans un style qui inspirera sans doute le new wave et tout particulièrement Blondie. Smith sera d’ailleurs une des premières à jouer au club de New York CBGB, d’où proviennent notamment Blondie, les Ramones, Television et Talking Heads. De tous ces artistes, elle fut la première à faire paraître un album, ce qui solidifie encore plus son statut de pionnière de la musique punk et new wave.

Smith est aussi l’une des rares musiciennes qui puisse se qualifier de poète sans rougir. Au même titre que Bob Dylan. Ainsi, on retrouve sur Horses deux chansons de plus de neuf minutes qui marient rock et narration de type spoken-word (autre héritage des beatniks). «Birdland» est une hallucinante composition avec plusieurs envolées lyriques juxtaposées à un piano allant en effets crescendos. «Land», quant à elle, est beaucoup plus rock et semble décrire un délire psychotrope ainsi qu’un viol. La dernière chanson, simplement intitulée «Elegie», est une finale à dresser le poil sur les bras qui rend hommage aux artistes disparus trop tôt, où elle reprend notamment des paroles de Jimi Hendrix.

Patti Smith sera très active musicalement jusqu’à la fin des années 1970, pour ensuite prendre une pause de près de dix ans pour se consacrer à son mari Fred Smith (le chanteur du groupe mythique MC5) et à ses enfants. Elle est toujours active aujourd’hui et continue d’alimenter sa riche discographie. Mais il est difficile de quitter Horses trop longtemps, car peu d’albums peuvent se revendiquer d’une telle audace et sensibilité dans l’histoire du rock. 

Prochaine chronique à surveiller le 26 février: «To Bring You My Love» de PJ Harvey. Consultez toutes nos chroniques au labibleurbaine.com/Les+albums+sacrés.

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