«Les albums sacrés»: le 40e anniversaire de Parallel Lines de Blondie – Bible urbaine

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«Les albums sacrés»: le 40e anniversaire de Parallel Lines de Blondie

«Les albums sacrés»: le 40e anniversaire de Parallel Lines de Blondie

La renaissance du cool

Publié le 13 septembre 2018 par Mathieu St-Hilaire

Crédit photo : Gary Gershoff / Getty Images

En 1978, difficile de trouver un groupe plus cool que Blondie. Née dans la vague punk new-yorkaise du milieu des années 1970, la formation devient rapidement une figure rare dans l’histoire de la musique pop: elle plaît autant à un public large en quête de divertissement qu’à un auditoire plus sélectif à la recherche de nouveaux sons. Le fait d’être associé à des artistes comme Patti Smith, Television, les Ramones ou bien Talking Heads ajoute instantanément à la crédibilité du quintette de New York. Après deux albums prometteurs qui ne cassent pourtant rien sur les palmarès, Blondie prend tout le monde par surprise en septembre 1978 avec un troisième album qui les rendra célèbres, Parallel Lines, qui a quarante ans ce mois-ci. Chronique d’un album pop-rock parfait.

Autant le dire tout de suite: Parallel Lines est un album qui aurait dû paraître dans les années 1980. Grâce à sa facture sonore et son esthétisme, c’est un album new wave deux ans avant que le new wave ne prenne son envol. Bien entendu, il y a des artistes rock qui expérimentent avec des sonorités électro et disco à l’époque, mais Blondie y ajoute une touche pop naturelle faisant en sorte que leur passage de groupe proto-punk underground à stars pop-rock va de soi. Ajoutez à tout cela une leader qui ne manque pas de charisme et d’attitude en Debby Harry, et les choses commencent drôlement à se placer.

Derrière chaque grand album réside souvent un grand réalisateur. Ici, Mike Chapman, véritable machine à produire des hits, rendra à Blondie le son tant désiré: ce mélange irrésistible de pop, punk, funk et disco qui caractérisera la prochaine décennie sur MTV. En choisissant un réalisateur de la sorte, le groupe joue gros, risquant de perdre sa notoriété auprès des fans de la première heure, tout en étant un flop commercial monumental. Heureusement, rien de tout cela n’arrivera. Parallel Lines contient plus de bonnes chansons pop que la plupart des groupes réussissent à écrire en une carrière de vingt ans.

«Hanging On the Telephone» frappe en pleine gueule, mélangeant agressivité avec une power-pop bien construite. La chanson est une reprise du groupe The Nerves, sauf que celle de Blondie change l’équation: c’est la femme ici qui exprime son désir sexuel à travers un appel téléphonique (différente technologie qu’en 2018, mais l’esprit demeure le même). «One Way or Another» est une autre pièce pop redoutable et Harry lui donne toute sa férocité. Elle réussit un tour de force en prenant à la fois les rôles du harceleur («I will drive past your house / And if the lights are all down / I’ll see who’s around») et de l’harcelée («One way or another I’m gonna lose ya / I’m gonna give you the slip / A slip of the lip or another / I’m gonna lose you).»

Blondie est aussi capable d’écrire des pièces plus mielleuses. «Picture This» est l’une des plus réussies dans cette catégorie du grand catalogue du groupe. Ici, la sensibilité d’Harry est clairement mise à l’avant-plan, sauf pour autant quelle perde son mordant. Robert Fripp de King Crimson prête ses talents de guitariste sur «Fade Away and Radiate», peut-être la plus nocturne de l’album. Les paroles semblent rendre hommage à James Dean («Dusty frames that still arrive / Die in nineteen fifty-five») et la musique nous berce dans une nostalgie prenante. Ensuite, «Pretty Baby», est une pièce rétro-futuriste que Blondie avait le don d’écrire sans trop d’efforts. Le pont parfait entre les girl groups et le new wave, avec Harry qui ajoute sa touche juste-assez-mélodramatique à la toute fin. Parlant de new wave, «I Know But I Don’t Know» influencera sans doute plusieurs artistes qui feront un tabac dans les années 1980.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Deborah Harry avait le sens du spectacle. Sur «11:59», on retrouve une Harry désireuse de saisir le moment présent, de peur que la minute suivante tout bascule: «It’s 11:59 / And I want to stay alive», dit-elle au refrain. «Will Anything Happen» nous rappelle que Blondie a pris racine avec le mouvement punk de New York quelques années plus tôt, la pièce étant plus rock ‘n’ roll que les précédentes. À l’opposé, «Sunday Girl» est toute délicate et attendrissante. Ai-je besoin de rappeler à quel point toutes ces chansons sont accrocheuses?

«Heart Of Glass» aurait sans doute dû être placée vers le milieu de l’album, sauf que le groupe n’avait pas vraiment confiance à ce que la chanson devienne un hit. Monumental chanson pop-disco créée dans le but d’enrager leurs fans punks puristes, tout y est: rythme monstrueux, production audacieuse, mélodie inoubliable aux claviers, performance sans faille d’une chanteuse en pleine possession de ses moyens et même des «la la lala la» judicieusement placés comme finale. Une des grandes chansons pop des années 1970 qui propulse Blondie parmi les grands groupes de la planète.

Après une telle chanson, rien de mieux que de placer une courte chanson énergique, alors «I’m Gonna Love You Too» fonctionne parfaitement. On y retrouve un groupe qui semble avoir un plaisir fou à jouer ces chansons. Pour conclure, «Just Go Away» confirme le désir d’indépendance de Debby Harry, cette dernière multipliant les messages à son interlocuteur de déguerpir. Douze chansons et quarante minutes, c’est tout ce que le groupe a besoin pour passer en mode superstar.

Parallel Lines sera le plus grand album de Blondie, mais le groupe enchaînera tout de même de nombreux succès par la suite: «Atomic», «The Tide Is High», «Rapture» et «Call Me». Debby Harry a réussi à défoncer les barrières d’un monde dominé par les hommes tout en demeurant incroyablement cool. La présence d’Harry amènera aussi beaucoup de femmes à tenir le rôle principal dans des groupes. Ainsi, difficile d’imaginer les B-52’s, les Pretenders , les Eurythmics ou même Madonna sans Parallel Lines.

Un album à la fois avant-gardiste et commercial, à la fois tendre et féroce, qui capte parfaitement l’esprit du temps tout en prédisant le futur. Si seulement tous les groupes avaient ce flair.

Surveillez la prochaine chronique «Les albums sacrés» le 27 septembre 2018. Consultez toutes nos chroniques précédentes au labibleurbaine.com/Les+albums+sacrés.

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