«Les albums sacrés»: les 40 ans de London Calling de The Clash – Bible urbaine

MusiqueLes albums sacrés

«Les albums sacrés»: les 40 ans de London Calling de The Clash

«Les albums sacrés»: les 40 ans de London Calling de The Clash

Le punk est mort! Vive le punk!

Publié le 27 décembre 2019 par Édouard Guay

Crédit photo : Tous droits réservés

Bien avant le tumulte du Brexit, le Royaume-Uni se déchirait déjà dans un contexte économique et social excessivement tendu. La Dame de fer venait de prendre le pouvoir, et le thatchérisme nourrissait tous les débats dans les chaumières britanniques. Sans surprise, le mouvement punk avait son mot à dire et il n’allait pas se gêner pour souligner à gros traits les inégalités et les injustices. Il fallait donc compter sur The Clash, l’un des groupes punk les plus influents de l’époque, pour se faire entendre. C’est ainsi que le 14 décembre 1979, il y a 40 ans, la formation nous a offert London Calling, un album double (mais vendu pour le prix d’un simple) qui allait devenir l’une des œuvres musicales les plus influentes des années 1970.

Il serait toutefois extrêmement réducteur (et inexact) de limiter London Calling à un brûlot punk anti-Margaret Thatcher. Pour son troisième album, le quatuor londonien a suivi le mouvement new wave de l’époque en élargissant considérablement sa palette de sonorités: ska, dub et reggae de la Jamaïque s’entremêlaient ainsi au jazz, au rhythm and blues et à la musique soul de l’Amérique noire. Un tel métissage musical était idéal pour faire un bon pied de nez à l’immobilisme et au racisme ambiant de l’époque.

Un bon coup de batte de baseball dans une ruche d’abeilles.

Rockarchive, 2019.

Les nouveaux rois du rock

«Phoney Beatlemania has bitten the dust», chante avec effronterie Joe Strummer sur la pièce-titre, qui ouvre l’album.

Au recyclage, les Beatles et les Stones: le rock était bel et bien enterré pour renaître sous une nouvelle forme, plus disparate. Pour ce faire, il fallait immanquablement détruire le punk, déjà en déclin, et repartir sur de nouvelles bases.

La pochette de London Calling, un clin d’œil au premier album d’Elvis Presley sorti en 1956, renforce davantage cette idée: les quatre gars de The Clash étaient les nouveaux rois autoproclamés du rock. Paradoxalement, le groupe reprend aussi à sa sauce «Brand New Cadillac» de Vince Taylor, un vieux morceau rock des années 1960.

L’œuvre d’un savant fou?

Bouclé en trois semaines, London Calling proposait dix-neuf morceaux éclectiques qui illustraient tous, à leur manière, l’Angleterre de l’époque. Et bon nombre de ces pièces résonnent encore aujourd’hui, tant leurs thématiques n’ont pas pris une ride. On évoque la surexploitation et les dérives du capitalisme sur «Clampdown», la brutalité policière sur «Guns of Brixton» (et ses savoureuses sonorités dub), la publicité sauvage sur «Koka Kola», ou encore la toxicomanie sur la très accrocheuse «Hateful».

Derrière ce tour de force, on retrouve le producteur Guy Stevens, un technicien génial, mais complètement fêlé, notamment en raison de ses graves problèmes d’alcoolisme. Sautillant partout entre les prises et ayant ponctué l’enregistrement de nombreux épisodes de débordements, cet être instable et déstabilisant a néanmoins insufflé une énergie palpable à l’album.

Chaque morceau s’enregistrait en une ou deux prises maximum. On peut dire que ce «savant fou», en quelque sorte, a joué un rôle prédominant au niveau de la sonorité de cet album. Avec Joe Strummer aux paroles et Mick Jones à la composition, on ne pouvait rêver d’une meilleure équipe!

Allez, on se bouge!  

Sur London Calling, The Clash ne faisait pas que dénoncer; il appelait aussi à l’action. La chanson-titre, critiquant sans détour la guerre nucléaire («a nuclear error»), incite également les jeunes à délaisser quelque peu leur cynisme et à s’impliquer pour sauver leur pays de la déroute.

Si le titre «London Calling», pour sa part, réfère à un vieux slogan utilisé par la BBC lors de la Deuxième Guerre mondiale, il semble aussi être un appel à l’action. «To the underworld» ou «to the faraway towns», le groupe appelle les marginaux et les délaissés à joindre la bataille et à répondre à l’appel au changement.

Bref, ce véritable chef d’oeuvre est à la fois éclectique, accrocheur, inspirant, contestataire et intemporel. Une savoureuse émeute musicale toute en finesse qu’on redécouvre encore avec bonheur pour la nouvelle décennie qui s’amorce.

Surveillez la prochaine chronique «Les albums sacrés» en janvier 2020. Consultez toutes nos chroniques précédentes au labibleurbaine.com/Les+albums+sacrés.

Nos recommandations :

Vos commentaires

Revenir au début