«6,3 évanouissements» de Catherine Tardif et Michel F. Côté à l’Agora de la danse – Bible urbaine

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«6,3 évanouissements» de Catherine Tardif et Michel F. Côté à l’Agora de la danse

«6,3 évanouissements» de Catherine Tardif et Michel F. Côté à l’Agora de la danse

Une brèche dans le réel

Publié le 14 novembre 2014 par Marie-Ève Beausoleil

Crédit photo : www.agoradanse.com

Le magnifique titre de ce spectacle, qu’une décimale poétique fait basculer dans l’absurde, donne une idée du non-sens qu’il prospecte inlassablement par la juxtaposition, en cadavre exquis, de parcelles chorégraphiques, de situations loufoques, d’images fortes. Jeu vertigineux auquel se livrent six artistes d’expérience, 6,3 évanouissements réussit à tromper les attentes.

Objet inclassable, 6,3 évanouissements est issu d’un laboratoire de création dirigé par la chorégraphe Catherine Tardif et le compositeur Michel F. Côté, auxquels se sont joints les chorégraphes Marc Boivin, Sophie Corriveau et Benoît Lachambre, ainsi que le poète Fortner Anderson, reconnu pour ses performances de spoken word. Tour à tour créateurs et interprètes, ils ont mis en commun leur travail d’exploration dans un format éclaté, plutôt qu’une suite de 6 vignettes individuelles. C’est pourquoi on peut parler d’une véritable œuvre collective, dont l’espace alloué à l’imagination, à l’aléatoire et à la diversité porte jusque sur la scène son caractère expérimental et libre d’une finalité proprement esthétique ou narrative.

La seule contrainte, en dehors du protocole de travail même, était le thème de l’évanouissement. Bien qu’on le retrouve sous la forme de mollesses, d’étourdissements et de chutes, il a moins suscité un traitement corporel qu’une ambiance, un état d’esprit dans l’entre-deux entre le malaise et l’ivresse, entre la conscience et le rêve. C’est, dans le picotement rétinien du pâmé, la dissolution du monde extérieur pour rejoindre un espace intérieur peuplé de souvenirs, de sensations floues et d’agencements troublants. Cette interprétation donne lieu à de courts épisodes enchaînant performances, grimaces, récitations, convulsions et transes, qui jouent essentiellement sur l’étonnement, les contrastes, voire une certaine causticité.

L’action se produit dans un espace scénique désenclavé qui s’étend de l’antichambre de la salle à l’avant-scène, et des «coulisses», entièrement visibles, à la passerelle suspendue. Les spectateurs s’y introduisent par l’entrée des artistes et passent un court moment sur la scène avant de s’installer plus confortablement dans les gradins. Dépouillés de leur fonction habituelle, les rideaux se transforment en accessoires au même titre que les chaises, les fruits, les vêtements, le marteau et le programme Skype. L’équipe technique intervient délibérément dans le spectacle, qui intègre et révèle ainsi la plupart de ses rouages.

Ces ajustements ne font toutefois pas éclater complètement les cadres conventionnels de la représentation. On sent à cet égard une retenue, peut-être dictée par des aspects techniques ainsi que par le besoin préserver une certaine consistance au spectacle, qui aurait pu s’égarer dans maintes directions. 6,3 évanouissements requière tout de même du spectateur une disposition réceptive et en quelque sorte non-interrogative pour créer, tel un évanouissement collectif, une brèche dans le réel.

«6,3 évanouissements» est présenté à l’Agora de la danse, en co-diffusion avec Danse-Cité, jusqu’au 15 novembre.

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