«Batèches» du compositeur Patrick Burgan au Gesù de Montréal – Bible urbaine

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«Batèches» du compositeur Patrick Burgan au Gesù de Montréal

«Batèches» du compositeur Patrick Burgan au Gesù de Montréal

Passer de la dactylo aux percussions

Publié le 18 février 2016 par Marie-Hélène Proulx

Crédit photo : Michel Couvrette

Dans la préface qu'Édouard Glissant fait de l'Homme rapaillé, Miron est décrit comme une heureuse tornade, tonitruante mais bien ancrée dans la chair de sa terre natale. C'est par le biais de ces intenses effusions que les percussionnistes de l'Ensemble Sixtrum de Québec, et Percussions Claviers de Lyon, ont demandé au compositeur contemporain Patrick Burgan d'aborder cette œuvre magistrale afin de leur donner un rythme de ralliement. Mais, étrangement, Burgan semble avoir choisi de s'adresser à ceux qui préfèrent lire qu'entendre.

Pourtant, au cours des premières minutes du spectacle, le charme de la langue populaire semble mis à l’avant-plan: un enregistrement de Miron raconte comment, lors d’un débat rempli d’ivresse, dans le fond d’une taverne, portant sur la juste prononciation des sacres, il avait eu l’illumination de l’importance des rythmes dans notre langue populaire: une belle introduction qui donnerait envie à n’importe quel passionné d’oralité de se lécher les lèvres. Ce sont toutefois les seuls mots que le concert a offerts à notre oreille. Tous les autres termes que ce grand homme aura pu «rapailler» et que reprend le compositeur ont plutôt été projetés sur un grand écran blanc.

On y jette un œil de temps en temps, mais de toute évidence, l’intérêt de la prestation se situe ailleurs: 11 percussionnistes sur scène, noyés dans une foule d’instruments parfaitement coordonnés, ça impressionne! Ces virtuoses déploient-ils tout l’art des variations rythmiques… mélodieusement? Non, le terme serait un peu fort. Bien qu’une grande partie de leur attirail soit composé de xylophones, à peine 5 à 10 minutes du spectacle se consacrent à une mélodie proprement dite. Le reste tient de l’exploration musicale typiquement contemporaine: des archets cherchent à éveiller quelques sons inusités le long des xylophones, et plusieurs percussions rarement entendues auparavant viennent y retentir en terre québécoise. Et, entre ces grandes explosions de rythmes, quelques silences… typiquement modernes.

Et Miron, dans tout cela? Une concordance peut être remarquée, il est vrai, dans les variations  rythmiques, entre l’intensité et la douceur, en passant par des transitions plus lourdes et dramatiques, selon que les mots à l’écran (toujours de «morceaux» de verre, rarement vers entiers, encore moins des poèmes intégraux) évoquent la douceur, la révolte ou la mort.

Certains passionnés de Miron ont, d’ailleurs, affirmé adorer ce mode de redécouverte du poète.

Lors du vin d’honneur final, un spécialiste de Miron est venu préciser l’importance accordée ici au rythme de dactylographie de Miron, pour donner vie à cette poésie complexe. Le sens profond de l’œuvre mironienne est sans doute insondable, par moments, il est vrai, mais ce poète a quand même l’indéniable génie d’avoir su faire ressortir toute la sonorité et la profondeur des mots simples, parfois même populaires, qui ont donné toute la saveur aux souvenirs des gens qu’il a aimés, comme son grand-père analphabète ou les experts de la «parlure québécoise» rencontrés un soir, dans une taverne. Même si l’on ne comprend pas tout de son langage, il nous laisse résolument avec l’envie de mordre à chacun de ses mots.

Pour apprécier ce spectacle, il a fallu se résigner, peu à peu, à un régime bien maigre en mots parlés, pour imaginer un Miron dactylographiant, sans un mot dit, derrière tout ce «bataclan».

Mais si les spécialistes de Miron le disent, peut-être que tout cela a un sens…

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Par Michel Couvrette

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