«Dans la peau de...» François Geoffroy, porte-parole du mouvement La Planète s'invite au Parlement – Bible urbaine

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«Dans la peau de…» François Geoffroy, porte-parole du mouvement La Planète s’invite au Parlement

«Dans la peau de…» François Geoffroy, porte-parole du mouvement La Planète s’invite au Parlement

Face à l'urgence climatique, l'action et le courage

Publié le 24 janvier 2020 par Mathilde Recly

Crédit photo : Maury Carrera

Chaque semaine, tous les vendredis, Bible urbaine pose 5 questions à un artiste ou à une personnalité influente du moment afin d’en connaître un peu plus sur la personne interviewée et de permettre au lecteur d’être dans sa peau, l’espace d’un instant. Cette semaine, nous avons interviewé François Geoffroy, porte-parole de La Planète s'invite au Parlement, ce mouvement de défense de l'environnement qui a organisé la grande Manifestation citoyenne et étudiante pour le climat à Montréal le 27 septembre dernier.

François, quand as-tu commencé à t’investir pour la défense de l’environnement, et quel a été ton déclic pour devenir le porte-parole du collectif citoyen «La Planète s’invite au Parlement»?

«J’ai commencé à militer en 2015 avec la création des ciné-clubs Cinéthique dans Villeray et au Cégep Montmorency. Déjà, l’idée était de susciter la réflexion autour d’enjeux sociaux et environnementaux pour faciliter le démarrage de projets citoyens.»

«En 2016, suite à une projection de Cinéthique, justement, j’ai commencé à réfléchir à un projet de relocalisation de l’économie via les monnaies locales complémentaires: l’Îlot Montréal est officiellement né en 2018, mais a eu peu de succès.»

«À l’automne 2018, pendant une campagne électorale provinciale où l’environnement était désespérément absent, une amie m’a suggéré d’arrêter de râler sur les réseaux sociaux et de lancer une manifestation. Après une semaine, un groupe d’amis s’était réuni pour organiser la première de ce qui allait devenir une longue série de mobilisations. La Planète s’invite dans la campagne venait de naître. Après les élections, le groupe s’est rebaptisé La Planète s’invite au Parlement (LPSP).»

Peux-tu me parler de votre mission et de vos objectifs?

«Nous savons que, étant donné le poids des lobbys pétroliers et gaziers, les gouvernements ne s’attaqueront pas à la crise climatique sans une pression citoyenne forte. Quand bien même ils le voudraient, des intérêts trop puissants sont en jeu. Nous travaillons donc à créer un rapport de forces pour obliger tous les paliers de gouvernement à agir à la hauteur de la crise.»

«Ça a commencé par des manifestations, mais depuis un an, nous cherchons à mobiliser des travailleurs autour de mandats de grèves syndicales. Onze syndicats se sont mis en grève le 27 septembre dernier. C’était la toute première grève climatique des travailleurs. Ça pourrait ne pas être la dernière.»

Comment expliques-tu la montée phénoménale de l’éco-anxiété, des mouvements de défense de l’environnement et de la conscientisation face à l’urgence climatique, ces dernières années?

«La crise n’est plus théorique. Ce n’est plus une menace lointaine, ni dans le temps ni dans l’espace. Tant qu’une majorité de personnes croyaient qu’on militait pour les ours polaires du futur, c’était difficile d’en arriver à un niveau de mobilisation significatif. Mais depuis les inondations de 2017 et 2019, depuis les vagues de chaleur extrêmes qui causent des dizaines de décès chaque été, beaucoup de gens commencent à réaliser que nous vivons quelque chose de profondément anormal, et que la crise s’accélère à une vitesse qui dépasse les prévisions les plus pessimistes des scientifiques du GIEC.»

«Une fois qu’on commence à réaliser ça, l’éco-anxiété est inévitable. L’éco-anxiété, ce n’est pas une maladie ou un trouble psychologique; c’est la réaction saine et normale de quelqu’un qui réalise l’ampleur du désastre. La seule façon de la calmer, c’est de se mettre en action. C’est ce que font de plus en plus de gens.»

Photo: Jacques Lebleu

Le 27 septembre dernier, La Planète s’invite au Parlement a d’ailleurs appelé à la grève et organisé une immense «manifestation citoyenne et étudiante pour le climat» à Montréal, qui a rallié plus de 500 000 personnes. Vous avez même réussi à faire venir Greta Thunberg pour appuyer votre initiative. Peux-tu nous raconter comment tu as vécu cette journée mémorable de l’intérieur?

«La grève du 27 septembre, ça a été un gigantesque accomplissement, porté par des dizaines de militants dévoués. Je pense, bien sûr, aux membres de LPSP et aux étudiants, qui se sont mobilisés pendant des mois pour obtenir des mandats de grève; mais aussi aux bénévoles, qui ont passé neuf mois à faire la tournée des assemblées syndicales du Québec pour parler de la crise climatique avec des travailleurs, pour entendre leurs inquiétudes, et pour leur proposer une action extrêmement courageuse. Il faut savoir qu’en dehors d’un contexte de négociation collective, un syndicat peut être poursuivi pour avoir fait la grève illégalement, et les sanctions sont sévères.»

«Je pense aussi aux groupes communautaires et, évidemment, aux organisations comme Le pacte pour la transition, Greenpeace, la Fondation David Suzuki, Équiterre et tous les groupes citoyens qui militent depuis des décennies. Pour moi, comme pour tout ce monde-là, voir un demi-million de personnes dans les rues de Montréal, ça a été un moment d’espoir extrêmement fort.»

«Mais nous savions déjà, même au plus fort de la manifestation, que ça ne serait pas suffisant. Nous savions que le 27 septembre n’était qu’un début; et les réjouissances ont été de courte durée.»

Selon toi, qu’est-ce que la catastrophe environnementale, qui a eu lieu en Australie récemment – avec ses millions d’hectares partis en fumée et ses milliards d’animaux morts – démontre en faveur de changements et d’efforts urgents à mettre en place pour la sauvegarde de notre planète? D’ailleurs, avez-vous prévu d’autres initiatives pour la défense de l’environnement en 2020?

«L’Australie qui brûle, c’est un avertissement. Un de plus. C’est surréel de voir que, là-bas, plusieurs grands médias refusent de faire le lien entre la crise climatique et les feux de forêt. Mais ça nous montre que notre travail, c’est aussi d’aider les gens à faire ces liens au moment des catastrophes.»

«Les inondations de 2019, au Québec, n’ont été que trop peu couvertes sous l’angle de la crise climatique. La tentation est grande de croire qu’il s’agit d’évènements exceptionnels et qu’une fois que l’eau s’est retirée, nous pouvons reprendre le cours de nos vies comme avant. C’est le pire piège auquel nous faisons face.»

«Pour que les gens fassent le lien entre leur quotidien et le dérèglement du climat, nous devons continuer à occuper l’espace public et nous devons continuer à bâtir un rapport de forces. 2020 pourrait donc être marquée par d’autres grèves, plus longues et plus importantes. Nous n’avons pas d’autre choix que de continuer à nous battre avec tous les moyens dont nous disposons.»

Pour découvrir nos précédentes chroniques «Dans la peau de…», visitez le labibleurbaine.com/nos-series/dans-la-peau-de.

La manifestation du 27 septembre 2019 en images

Par Brock Jenken, Charles-Olivier Bourque, François Beauregard, Gabriel Pelland, Jacques Lebleu, Nadège Vince, Sylvana Mele

  • «Dans la peau de…» François Geoffroy, porte-parole du mouvement La Planète s’invite au Parlement
    Photo: Brock Jenken
  • «Dans la peau de…» François Geoffroy, porte-parole du mouvement La Planète s’invite au Parlement
    Photo: Charles-Olivier Bourque
  • «Dans la peau de…» François Geoffroy, porte-parole du mouvement La Planète s’invite au Parlement
    Photo: François Beauregard
  • «Dans la peau de…» François Geoffroy, porte-parole du mouvement La Planète s’invite au Parlement
    Photo: François Beauregard
  • «Dans la peau de…» François Geoffroy, porte-parole du mouvement La Planète s’invite au Parlement
    Photo: Gabriel Pelland
  • «Dans la peau de…» François Geoffroy, porte-parole du mouvement La Planète s’invite au Parlement
    Photo: Jacques Lebleu
  • «Dans la peau de…» François Geoffroy, porte-parole du mouvement La Planète s’invite au Parlement
    Photo: Jacques Lebleu
  • «Dans la peau de…» François Geoffroy, porte-parole du mouvement La Planète s’invite au Parlement
    Photo: Nadège Vince
  • «Dans la peau de…» François Geoffroy, porte-parole du mouvement La Planète s’invite au Parlement
    Photo: Sylvana Mele
  • «Dans la peau de…» François Geoffroy, porte-parole du mouvement La Planète s’invite au Parlement
    Photo: Sylvana Mele

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