Ms. Lauryn Hill à la Place des Arts à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016 – Bible urbaine

SortiesFestivals

Ms. Lauryn Hill à la Place des Arts à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016

Ms. Lauryn Hill à la Place des Arts à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016

L’artiste qui donne tout ou rien

Publié le 7 juillet 2016 par Alice Côté Dupuis

Crédit photo : Mathieu Pothier

Elle se fait attendre – encore une heure de retard, pour son deuxième soir consécutif à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts –, mais quand elle est là, elle est totalement présente, généreuse et investie. Ms. Lauryn Hill ne donne pas dans la demi-mesure, et quand elle décide de se pointer, c’est pour tout arracher. Après 2h de spectacle aux sonorités variées à l’occasion du Festival international de jazz de Montréal, on avait l’impression qu’elle aurait pu continuer encore des heures durant.

Pour combler le vide de l’attente entre Jalen N’Gonda en première partie et l’apparition aléatoire de la diva, un DJ a véritablement transformé la sérieuse Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts en boîte de nuit, amenant aisément tout le parterre à se lever et faisant hurler d’excitation de nombreux spectateurs à chaque vieux succès se faisant entendre. On pensait presque que la foule se contenterait de ça, tellement elle était enthousiaste, mais vers 21h58, les cuivres, les claviers, la guitare, la basse et la batterie ont commencé à se faire entendre, mettant définitivement fin au règne du DJ.

Il n’y a aucun doute, à entendre le tonnerre assourdissant d’applaudissements et de cris à l’entrée en scène de Lauryn Hill, que c’est vraiment elle qui était attendue. «Thank you for your patience. How are you Montreal?», s’est empressée de lancer l’artiste, qui n’a, malgré tout, pas reçu de huées, ce soir-là, et qui n’a récolté que de la joie.

Si elle se montre simplement assise avec sa guitare acoustique pour entamer le spectacle, le public au parterre, lui, est incapable de s’asseoir, trop excité qu’il est ou peut-être déjà trop envoûté par le charme de la chanteuse. Elle a du métier et ça se voit: non seulement sa voix a de l’expérience et n’a rien perdu de ses capacités de jadis, mais il faut aussi voir sa main diriger fermement les envolées de ses musiciens. L’artiste sait ce qu’elle veut, et elle ne se gêne pas pour le montrer… même si cela se fait au détriment du public devant elle.

Aurait-elle aussi passé tout droit les tests de sons dans la salle avant l’arrivée du public? Toujours est-il qu’on l’a vue gesticuler en jouant de la guitare pour donner des instructions aux techniciens, faire venir ceux-ci près d’elle au micro pour leur chuchoter ses directives à l’oreille, et faire des ajustements de son entre les chansons, sans explication ni bavardage «en attendant» avec le public, ce qui a fait que ce dernier s’est retrouvé laissé à lui-même une bonne partie du spectacle.

Et même si elle nous a saisis dès les premières notes de la douce «I Gotta Find Peace of Mind» et qu’elle a démontré une belle fougue durant «Mystery of Iniquity» qui, déjà, laissait entrevoir à quel point la chanteuse est increvable, on avait tout de même hâte qu’elle s’occupe un peu plus de son public, vers qui elle se tournait moins souvent que vers ses musiciens, pour les diriger. Presque comme une chef d’orchestre, la chanteuse fera continuellement de grands gestes, semblant vouloir dire «enchaîne» ou «continue, ou peut-être «tout doux» ou «augmente ton intensité».

Il est bien là le charme Hill: ses fautes sont toutes aisément pardonnées dès qu’elle se met à chanter – devrait-on vraiment se surprendre d’un manque de savoir-vivre de la part d’une chanteuse qui a titré son seul album studio The Miseducation of Lauryn Hill? –, car celle-ci nous happe, nous fait vibrer, et on y décèle parfois autant de détresse que de force, ce qui nous touche plus profondément encore.

Lorsqu’elle se met à rapper sur le son rythmé de la batterie et qu’elle se met à danser au son des cuivres, d’abord derrière son pied de micro, puis en rejoignant ses choristes, pour un numéro de rap hyper rapide et très impressionnant, elle en met plein la vue et séduit; lorsqu’elle demande aux gens s’il y a des fans de The Fugees dans la salle, elle déclenche l’hystérie; et quand elle passe aisément du chant plutôt soul, profond et lent, au rap rythmé et essoufflant, elle étonne.

Il faut aussi avouer que l’artiste possède un grand sens du spectacle et un côté charmeur très prononcé, ne se gênant pas pour laisser tomber des «Montréal» ici et là dans ses paroles et dans ses interventions, pour bien faire réagir la foule. Une vraie entertainer, elle va même jusqu’à faire sauter la foule sur place au parterre pendant le classique «Fu-Gee-La», pour lequel elle fait revenir le DJ, mais ce ne sera rien comparé à la réaction que le public aura lorsque Lauryn Hill demandera «Montreal, are you ready?», avant d’entamer «Ready or Not». Suivie d’un autre grand classique que son défunt groupe avait repris, «Killing me Softly», mais dans une version moins libérée, plus contraignante en raison du full band, et mettant moins de l’avant sa jolie voix, le public ne se pouvait plus et hurlait de bonheur.

Et quand, vers la fin, la musique pris une tournure reggae pour un medley de chansons de Bob Marley, dont «Jammin’», «Is this Love» et «Could you be Loved», créant un moment rassembleur; quand la chanteuse s’essaya aux grands classiques «Ne me quitte pas» de Brel et «Feeling Good», popularisé par Nina Simone, retrouvant un peu de sa soul et livrant de beaux moments appréciés; quand après la toute dernière mais non la moindre «Doo Wop (That Thing)», qui fit délirer la foule à peine les premières notes de piano entendues, elle fit monter sur la scène deux de ses jeunes enfants, les faisant chantonner des «Hi Montreal!» au micro; et quand finalement elle se ravisa en se dirigeant vers les coulisses, pour revenir serrer les mains de gens à la première rangée, on se dit qu’après tout, Ms. Lauryn Hill en donne plus que le client en demande, et que cela témoigne d’une grande générosité qui donne raison à l’amour démesuré qu’elle a reçu mercredi soir, malgré les quelques accrocs au passage.

Jalen N’Gonda

Il est jeune, il a un belle dégaine pleine d’assurance malgré qu’il soit plutôt statique derrière son pied de micro, il a une belle énergie et il livre un beau petit soul-rock bien rétro, à la Leon Bridges (notamment sur «Don’t You Sit There»). On l’aime déjà, ce jeune auteur-compositeur-interprète qui donne aussi de belles reprises, dont la «Pain in my Heart» d’Ottis Redding, dans une version un peu plus rock, mais présentant de belles nuances dans sa voix. Sa version de «I Got a Woman» de Ray Charles, quant à elle, fût complètement méconnaissable, dans un style beaucoup plus jazzé et langoureux, comprenant un solo de guitare qui en jette.

Le jeu de guitare bien maîtrisé de Jalen N’Gonda contribue beaucoup aux sonorités rétro, et il charme autant dans les voix de tête que lorsque sa voix craque ou montre un beau petit grain. Aussi capable de faire danser grâce à des envolées plus rythmées, le jeune artiste a complètement ravi les spectateurs qui ont daigné se présenter à l’heure, et il serait bien étonnant que «(Holler) When You Call My Name», son tout premier extrait à paraître le 15 juillet prochain, passe inaperçu, avec ses sonorités bluesy et soul à la fois entraînantes et envoûtantes.

L'événement en photos

  • Ms. Lauryn Hill à la Place des Arts à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016
  • Ms. Lauryn Hill à la Place des Arts à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016
  • Ms. Lauryn Hill à la Place des Arts à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016
  • Ms. Lauryn Hill à la Place des Arts à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016
  • Ms. Lauryn Hill à la Place des Arts à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016
  • Ms. Lauryn Hill à la Place des Arts à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016
  • Ms. Lauryn Hill à la Place des Arts à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016
  • Ms. Lauryn Hill à la Place des Arts à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016
  • Ms. Lauryn Hill à la Place des Arts à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016
  • Ms. Lauryn Hill à la Place des Arts à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016
  • Ms. Lauryn Hill à la Place des Arts à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016
  • Ms. Lauryn Hill à la Place des Arts à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016
  • Ms. Lauryn Hill à la Place des Arts à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016
  • Ms. Lauryn Hill à la Place des Arts à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016
  • Ms. Lauryn Hill à la Place des Arts à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016
  • Ms. Lauryn Hill à la Place des Arts à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016
  • Ms. Lauryn Hill à la Place des Arts à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016
  • Ms. Lauryn Hill à la Place des Arts à l’occasion du Festival international de Jazz de Montréal 2016

Par Mathieu Pothier

L'avis


de la rédaction

Nos recommandations :

Vos commentaires

Revenir au début