«Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent» fait salle comble à la Place des Arts – Bible urbaine

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«Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent» fait salle comble à la Place des Arts

«Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent» fait salle comble à la Place des Arts

Le 10e cabaret de Loui Mauffette célèbre l’art et la parole

Publié le 11 mai 2016 par Isabelle Léger

Crédit photo : Yves Renaud

Le snobisme scolaire qui consiste à n’employer en poésie que certains mots déterminés, à la priver de certains autres, qu’ils soient techniques, médicaux, populaires ou argotiques, me fait penser au prestige du rince-doigts et du baise-main. Ce n’est pas le rince-doigts qui fait les mains propres ni le baise-main qui fait la tendresse. Ce n’est pas le mot qui fait la poésie, c’est la poésie qui illustre le mot. Cette mise en garde contre la restriction de l’esprit signée Léo Ferré aurait pu nous être servie en ouverture, comme pour nous préparer à ce qui nous attendait. Loui Mauffette a plutôt choisi d’en faire sa conclusion, comme pour nous rassurer: vous n’avez pas tort d’avoir été touchés par ces mots que vous utilisez vous-mêmes, et vous avez raison d’admirer les artistes qui ont su les agencer pour créer de nouveaux sens.

«Enivrez-vous!», nous somme-t-on d’entrée de jeu. D’accord, mais ça ne va pas de soi. Quand il s’agit de poésie, il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir. Combien de fois avez-vous vu un recueil de poésie, classique ou contemporaine, vous tomber des mains sous l’effet de l’hostilité ou de l’hypnose? Certains répondront «souvent», d’autres, «une seule fois et je n’y ai plus jamais retouché». C’est parce que vous n’entendiez pas la voix de Francis Ducharme ou de Stéphane Gagnon en lisant. Vous avez un vague souvenir d’avoir lu le nom d’Hélène Monette quelque part un jour? Si vous entendiez Anne-Marie Cadieux interpréter Montréal brûle-t-elle, vous ne l’oublieriez plus jamais (peut-être même que vous vous arrêteriez dans une librairie pour acheter le livre, qui sait).

Voilà la magie qui opère depuis 10 ans au cabaret Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent. Le secret de ce spectacle, c’est qu’il crée une passerelle entre la poésie et nous par la voix d’acteurs, dont c’est le travail et le talent de faire vivre du texte. Avec un dynamisme bien chorégraphié, la troupe de 25 comédiens, une danseuse et quelques musiciens nous fait naviguer dans des univers éclatés, crus, drôles, érotiques, tendres, douloureux, rebelles. Dans la folie débridée comme dans la tristesse ou l’intime, l’œuvre littéraire créée en solitaire se transforme en expérience collective. L’interprète guide le spectateur dans ce qui pourrait sembler labyrinthique et soudain tous les sens (les significations) ne font qu’un. La poésie est plus proche de nous qu’on le pense.

Il ne faudrait pas croire pour autant que les auteurs sont négligés ou oubliés dans ce jeu: systématiquement nommés et salués, les poètes et créateurs à l’origine de ce foisonnement occupent une place de choix. Parmi les noms à l’honneur, mentionnons l’incontournable Patrice Desbiens et la regrettée «frondeuse» Geneviève Desrosiers, les piliers modernes Boris Vian, Claude Gauvreau et Jean-Paul Daoust aux côtés des nouvelles voix que sont Daphné B, Natasha Kanapé Fontaine, Evelyne de la Chenelière et Simon Lacroix, aussi comédien présent sur scène et au grand talent comique, notons-le. Impossible de citer ici tous les poètes joués, mais sachez que les stars comme Miron et Prévert côtoient les éternels oubliés comme Marie Uguay, Roland Giguère et Pierre Morency.

Impossible aussi de défiler la liste des interprètes qui s’amusent et communient tout à la fois durant les trois heures que dure le cabaret. Et comme on a souvent tendance à focaliser sur les plus connus, disons que Mylène Mackay interprète Marina Tsvetaieva, Esther Gaudette danse Dave St-Pierre, Catherine Paquin Béchard psalmodie Daphné B, Benoît Landry chante Nelligan. Et comme l’art a la routine en horreur, certains – chanteurs ou comédiens – ont la permission de ne venir que certains soirs, à tour de rôle. Lundi, c’était Philippe Brach et Bernard Adamus, un autre jour ce sera Ariane Moffatt, Yann Perreau, Fanny Mallette ou Gilles Renaud. «Nombreux seront nos ennemis», prédit Geneviève Desrosiers par la bouche de Julie Le Breton. Devant une telle compagnie et, surtout, à voir la réception de l’assistance, on a peine à y croire.

«Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent» est une idée originale et une direction artistique de Loui Mauffette. Avec ​Nathalie Breuer, Anne-Marie Cadieux, Bénédicte Décary, Maxime Denommée, Sylvie Drapeau, Francis Ducharme, Kathleen Fortin, Stéphane Gagnon, Maxim Gaudette, Esther Gaudette, Roger La Rue, Simon Lacroix, Benoit Landry, Zacharie Le Blanc, Julie Le Breton, Mylène Mackay, Loui Mauffette, Pascale Montpetit, Iannicko N’Doua, Patricia Nolin, Catherine Paquin-Béchard, Sébastien Ricard, Jérémi Roy, Emmanuel Schwartz et Loïk Vezeau.

Et, en alternance, Bernard Adamus, Marion Barot, Philippe Brach, Émilie Gilbert, Steve Laplante, Gabriel Lemire, Fanny Mallette, Ariane Moffatt, Yves Morin, Yann Perreau, Hubert Proulx, Gilles Renaud, Eric Robidoux et Mani Soleymanlou.

L'événement en photos

Par Yves Renaud

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