«Les bâtisseurs d’empire ou le Schmürz» de Boris Vian au Théâtre Denise-Pelletier – Bible urbaine

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«Les bâtisseurs d’empire ou le Schmürz» de Boris Vian au Théâtre Denise-Pelletier

«Les bâtisseurs d’empire ou le Schmürz» de Boris Vian au Théâtre Denise-Pelletier

Faut qu'ça saigne

Publié le 10 octobre 2017 par Pierre-Alexandre Buisson

Crédit photo : Gunther Gamper

L’univers de Boris Vian est toujours singulier, bourré de dialogues hilarants d’absurdité et de moments étranges. Il est parvenu, au fil de sa carrière, à écrire une douzaine de pièces de théâtre, en plus de tout le reste, et Les Bâtisseurs d’empire est probablement sa plus emblématique.

La prémisse est intrigante: une famille installée dans un immeuble à logements fuit vers le haut, à une fréquence qui n’est pas précisée, chaque fois que retentit «le bruit». Ils traînent avec eux de moins en moins de matériel à chaque déménagement, et leur espace est, dans le même ordre d’idées, considérablement plus petit à chaque fois. La bonne, Cruche, a de moins en moins de choix de repas à proposer. Et un individu étrange, enrobé de bandelettes ensanglantées, se trouve toujours dans leur logement, et seule Zénobie, la fille, semble le voir.

La logique n’est pas très importante ici, et si c’est ce qui vous intéresse dans un récit, tout ce que Vian a touché de son vivant n’est pas pour vous.

Est-ce que le symbole que représente le Schmürz doit absolument être expliqué à gros traits, devenant inexplicablement la cible de l’agressivité des personnages, agissant à la fois comme punching bag et catharsis? Le mystère ne sera pas éclairci, et il revient au spectateur de spéculer s’il en a envie.

Ce que nous offre Michel-Maxime Legault, à travers une vision originale et colorée, est une féerie, du théâtre onirique et luxueux, un clin d’œil à l’esthétique de l’époque avec une bonne dose de rêve. Les parents (Josée Deschênes et Gabriel Sabourin), en particulier, portent de splendides costumes, et la scénographie particulièrement spectaculaire nous donne l’impression que le domicile des protagonistes est carrément suspendu dans le vide. La mise en scène est un peu prisonnière d’un texte issu d’une époque où les innovations théâtrales n’étaient pas monnaie courante, mais parvient malgré tout à surprendre et à émerveiller le spectateur par son sens du timing et ses dispositifs inventifs.

Il y a plusieurs moments assez fantaisistes où les personnages déclament des paroles de chansons de Boris Vian qui, sauf erreur, ne figurent pas dans le texte original, ce qui a le double effet de faire décrocher le spectateur et de lui rappeler de sympathiques références que l’on n’arrive pas à trouver entièrement déplacées dans le contexte.

Marie-Ève Trudel, dans le rôle de Cruche, offre le seul aspect ouvertement hilarant du tableau; ses déclamations pince-sans-rire et son stoïcisme en font le seul personnage qui semble complètement indifférent devant une vague perspective de fin du monde. Marie-Pier Labrecque incarne une Zénobie avec une bonne dose de tragique et d’incompréhension adolescente, tandis que Sasha Samar, avec son visage ciselé et très théâtral, est un très bon Schmürz, rôle muet dont on a parfois du mal à apprécier la performance.

Car bien que la salle principale du Théâtre Denise-Pelletier soit magnifique, elle est peut-être un peu trop grande pour un drame aussi intimiste. Dès qu’on est assis un peu loin, on a du mal à bien voir ce qui se passe sur scène. Un tel huis-clos aurait été beaucoup plus immersif dans une salle de moins grande ampleur.

L'événement en photos

Par Gunther Gamper

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