«Le déclin de l’empire américain» à l'ESPACE GO – Bible urbaine

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«Le déclin de l’empire américain» à l’ESPACE GO

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Le dernier repas

Publié le 5 mars 2017 par Pierre-Alexandre Buisson

Crédit photo : Claude Gagnon

Il est difficile de croire que ça fait maintenant 31 ans qu’est sorti Le Déclin de l’empire américain, un film emblématique de Denys Arcand qui est rapidement devenu un classique chez nous, et une exportation prestigieuse à l’international. Le film était le premier volet d’une trilogie thématique, avec Les Invasions barbares et L’Âge des ténèbres, et se révèle de nos jours encore très pertinent. Il n’a rien perdu de sa fougue, et l’annonce d’une adaptation théâtrale avec des références plus actuelles nous a mis la puce à l’oreille.

Un groupe d’amis intellos se réunit un samedi soir, dans un chalet, pour un souper festif. Leur rituel est bien rôdé: «l’ami gai» cuisine un couscous nouveau genre, les mâles hétéros discutent de leurs vies sexuelles respectives, et les femmes, réunies dans un gym de la ville, font de même.

La structure temporelle est la même que dans le film, et l’adaptation de Patrice Dubois et Alain Farah a aussi conservé la plupart des punchs. On a droit à une version un peu clinique, présentée dans un superbe décor épuré, signé par Pierre-Étienne Locas. Il y a un certain effet de décalage, que la musique de Larsen Lupin, très percussive, amplifie particulièrement. Les chorégraphies de déplacement des personnages captent immédiatement l’attention, et imposent un certain respect. L’esprit du spectateur ne pourra donc jamais vagabonder très loin, car le rythme est précis et le rappelle sans cesse à l’ordre.

On peut dire qu’à ce niveau, on ne s’est guère ennuyé – on ne voit pas vraiment le temps passer au fil des dialogues bourrés de références modernes et amères, en mode «trop, c’est comme pas assez». Car oui, on comprend rapidement que l’action a été resituée à notre époque, et c’est certes rafraîchissant, mais on tartine ici un peu épais, en nous le rappelant sans cesse.

Patrice Dubois, en plus de signer la mise en scène, reprend le rôle du grand libidineux qu’incarnait Rémy Girard, et se réserve de savoureuses répliques. Alexandre Goyette, dans la peau de Marco le douchebag, a le physique de l’emploi, mais en tentant d’étoffer son rôle, on a ajouté un segment où il se lance dans un monologue un peu confus, qui provoque chez le petit groupe une certaine zizanie.

Le reste de la distribution offre une performance très honnête, et provoque chez le spectateur des gloussements qui se transforment parfois en rires francs.

À un certain moment, pendant le repas, la disposition des meubles et des comédiens sur scène évoque le dernier repas de Jésus, avec Bruno (Bruno Marcil) comme patriarche vieux garçon du groupe, un intellectuel imbu de lui-même et tourné vers son propre plaisir, qui a toutefois toujours des vérités percutantes au bout des lèvres. Et c’est là, dans ce moteur à remises en questions, que réside la force de ce texte qui a traversé le temps, et laissé une marque profonde – et à ce jour inégalée – dans notre culture.

L'événement en photos

Par Claude Gagnon

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