Brigitte Haentjens redonne un souffle de vie au «Richard III» de Shakespeare

Sébastien Ricard était le candidat idéal pour enfiler les habits de Richard III, duc de Gloucester, lui qui travaille depuis une dizaine d’années aux côtés de Brigitte Haentjens, notamment sur les pièces Woyzeck, La nuit juste avant les forêts ou L’opéra de quat’sous. «C’est un peu un concours de circonstances, car je cherchais un gros rôle qui serait un défi pour Sébastien Ricard. On a fait des spectacles mémorables ensemble et c’est une collaboration suivie et très intense. C’est un acteur extraordinaire», nous a-t-elle confié, visiblement satisfaite par cette collaboration sur le long terme.

Ainsi, celui qui a revêtu plusieurs chapeaux au fil de son parcours professionnel, que ce soit comme chanteur au sein du groupe Loco Locass, comme acteur dramatique dans le récent Chorus de François Delisle, ou encore à la télévision dans 30 vies, semblait définitivement être l’homme de la situation. Et comme l’a si bien dit Brigitte Haentjens, «des rôles mythiques comme celui-ci, une pièce de Shakespeare comme celle-ci, ça passe aux vingt ans, au Québec». Voilà pourquoi il ne pouvait se permettre de refuser! C’est également une première pour sa compagnie de théâtre Sibyllines, qui n’avait encore jamais exploré d’œuvres du grand dramaturge, poète et écrivain de la culture anglaise.

Adapter pour la scène du Shakespeare vieux de plus de 400 ans pourrait, pour plusieurs d’entre nous, être synonyme d’un cocktail de tirades poétiques à n’en plus finir et de décors richissimes de la cour d’Angleterre. Or, il n’en est rien, et c’est bien tant mieux. «Mon parti pris, c’est celui de ne pas invoquer, au sein de la scénographie d’Anick La Bissonnière, les lieux physiques. De toute façon, Shakespeare joue beaucoup avec ces contraintes-là dans ses textes. Il peut commencer une scène dans la cour d’un château et le reste se finit dans les bois. Je voulais que ce soit un espace de jeux, de théâtre en fait. C’est donc un espace vide qui entre dans le public. Il y a deux éléments de décor en tout. C’est l’épuration totale, on ne voit que les acteurs», nous a confié Haentjens.

Sa récente adaptation de Richard III permettra aux vingt comédiens d’être davantage sous les feux de la rampe, eux qui incarneront une trentaine de rôles en tout et pour tout. «La styliste Yso a concocté 90 costumes contemporains qui évoquent le Moyen-Âge. Ce ne sont pas vraiment des costumes d’époque. Ce sont des lignes très modernes, plus proches de la mode que de l’histoire. Ce sont des costumes que l’on pourrait porter dans la vie de tous les jours», nous a-t-elle affirmé. Ainsi, malgré l’important écart entre les époques, les spectateurs seront conviés à vivre un moment très théâtral, «dans le sens le plus traditionnel et beau du mot», le tout ancré dans une facture contemporaine.

Et ne serait-ce que pour vivre l’intensité de la bataille épique à laquelle prendront part tous les comédiens lors d’une finale d’une violence inouïe, cela va de soi qu’il est impératif que vous y soyez pour vivre un vrai moment de théâtre. «C’est très, très violent, mais théâtralisé. J’espère que les spectateurs resteront cloués à leur siège, sinon à quoi ça sert?», s’est exclamé Brigitte Haentjens, le sourire aux lèvres, visiblement fébrile à l’idée d’enfin présenter devant public les fruits de son long et fastidieux travail.

«Je dirais que ça rock quand même. Le texte est beau, c’est tragique, comique, burlesque. C’est le théâtre dans toute sa beauté». 

«Richard III», mise en scène par Brigitte Haentjens d’après une traduction de Jean Marc Dalpé, sera présentée du 10 mars au 4 avril au Théâtre du Nouveau Monde (TNM). À noter que la pièce sera aussi présentée au Théâtre français du Centre national des Arts (CNA) du 21 au 25 avril.