«Irène sur Mars» de Jean-Philippe Lehoux au Théâtre d’Aujourd’hui – Bible urbaine

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«Irène sur Mars» de Jean-Philippe Lehoux au Théâtre d’Aujourd’hui

«Irène sur Mars» de Jean-Philippe Lehoux au Théâtre d’Aujourd’hui

Visez Mars et vous atteindrez au moins les étoiles

Publié le 1 mars 2017 par Alice Côté Dupuis

Crédit photo : Jules Bédard

L’auteur Jean-Philippe Lehoux nous a habitués à ses réflexions sur le voyage: de la découverte du monde de Napoléon Voyage jusqu’à la découverte de soi et de l’autre dans Normal, ses comédies étaient aussi comiques que cérébrales. Avec Irène sur Mars, présentée dans une co-mise en scène de Lehoux et de Michel-Maxime Legault jusqu’au 18 mars à la salle Jean-Claude-Germain du Théâtre d’Aujourd’hui, il tente à nouveau de philosopher sur la fuite dans le voyage, mais vise peut-être un peu trop haut, trop loin. Visez Mars et vous atteindrez au moins les étoiles?

Irène a 66 ans, un fils unique qui ne vit plus ni dans la même ville, ni sur le même continent qu’elle, et qui a fait des arrangements pour la placer dans un foyer pour personnes âgées autonomes sans lui en parler. Ses voisins, un père et sa fille, font presque partie de sa famille, mais ils ont leur lot de problèmes et d’occupations, avec les vaches dont il faut s’occuper et le petit qui est né après que le père se soit poussé.

Devant cette carence relationnelle et le vide de toujours dans sa vie, durant laquelle elle a été une mère au foyer qui peine à faire entendre son point de vue et ses opinions auprès de son mari, elle décide d’enfin bouger, de passer de l’inaction à l’action, en s’inscrivant à la télé-réalité «Mars 2022» pour un aller simple vers la planète mars, dont elle attend impatiemment la réponse depuis qu’elle se retrouve sur la liste des finalistes.

Cette femme, admirable et admirablement jouée par Pauline Martin, aspire à voir plus haut et plus loin, comme en témoigne sa position assise sur une chaise haute perchée surplombant son terrain de tennis. Elle veut sortir de sa petite vie, et un écriteau «Interdiction de flâner», qu’elle voit du haut de sa chaise depuis vingt ans, lui donnera le coup de pied nécessaire à la faire bouger, à l’activer. Si la prémisse est prometteuse, en s’intéressant à un fait d’actualité aussi fascinant qu’absurde, tout en permettant d’élaborer sur les nombreux problèmes ici, sur la planète Terre, dont se sauverait potentiellement Irène, il faut malheureusement avouer que cette nouvelle création n’est pas aussi cérébrale que les précédents spectacles de Lehoux.

Pauline Martin est convaincante, parfois décomplexée et mordante, parfois touchante, mais le tout manque de conviction et, surtout, de substance. On ne sait si c’est parce que le spectacle a été créé en été, ce qui appelle souvent à une plus grande légèreté, mais les réflexions, les coups de gueule et les prises de position auraient pu être poussées beaucoup plus loin et être amenées avec beaucoup plus d’assurance.

Lorsqu’Irène révèle enfin les vraies raisons du mal-être qui la pousse à partir, on aurait voulu sentir plus de hargne ou de passion. Décider consciemment de faire un aller simple vers la planète Mars et d’aller y mourir, ce n’est pas banal; il faut être plus convaincu que ça. Et il aurait fallu davantage d’assurance aussi en ce qui a trait au contenu dramatique. Car évidemment qu’une femme qui quitte tout et dit adieu à ses proches nous fait tomber dans le drame, mais ici, la charge émotive ne semble pas assumée et est trop souvent diminuée grâce à des gags faciles et futiles qui ramènent inévitablement au rire. On atténue ainsi autant la profondeur des relations des personnages que les montées d’émotions pour les spectateurs.

Finalement, malgré la belle utilisation des décors et de l’espace – même si le personnage principal est assez statique, perché sur sa haute chaise -, malgré quelques bons flashs et gags très réussis, malgré l’utilisation appropriée et comique de certaines chansons populaires (magnifique et touchante scène de Pauline Martin chantant «Les mensonges d’un père à son fils» de Reggiani), et malgré la très belle et très réussie chute du spectacle, on ressent plusieurs longueurs durant cette pièce de 1h45, dont l’intérêt est aussi inconstant que le jeu de ses comédiens (Gary Boudreault, Catherine Audet et Michel-Maxime Legault complètant la distribution).

On sort donc de la salle Jean-Claude-Germain avec un sentiment de n’avoir pas voyagé assez loin qu’on nous l’avait laissé entendre, autant intellectuellement que métaphoriquement.

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Par Jules Bédard

  • «Irène sur Mars» de Jean-Philippe Lehoux au Théâtre d’Aujourd’hui
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