«La mort des Éternels», dans une mise en scène de Claude Desrosiers, au La Licorne – Bible urbaine

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«La mort des Éternels», dans une mise en scène de Claude Desrosiers, au La Licorne

«La mort des Éternels», dans une mise en scène de Claude Desrosiers, au La Licorne

Trépasser, croûte que croûte

Publié le 12 avril 2016 par Pierre-Alexandre Buisson

Crédit photo : Marc Charlebois

Quel auteur n'a jamais rêvé de se mettre en mode «écriture automatique» et de laisser déferler les torrents non censurés de son subconscient? De laisser les mots épars dicter ses structures de phrases, les allitérations se succéder et former de drôles de proclamations débordantes de joual qui, en fin de compte, ressemblent quasiment aux salves d'un génie souffrant d'un syndrome de tourette en phase terminale?

Il y a dans La mort des Éternels un incroyable souffle, des idées garrochées en l’air – parfois de façon hilarante, parfois moins – par des acteurs survoltés, et même des moments chantés par nos personnages qui nagent entre fiction et réalité, s’autoqualifiant de «théâtreux», faisant preuve d’une délicieuse distance autocritique.

Après vingt ans de vie théâtrale et de projets en commun, nos Éternels Pigistes (Christian Bégin, Marie Charlebois, Pier Paquette et Isabelle Vincent) ont beaucoup moins de souffle qu’à leurs humbles débuts. Ils vieillissent, se défraîchissent, et font un triste constat: en 2016, ils ne sont ni rentables, ni fourrables. Ils décident donc de partir ensemble en voilier, entre complices de longue date, et d’aller au bout de tout pour commettre un suicide artistique, disparaître avant que le ridicule les rattrape, se retirer pendant qu’il leur reste un peu de gloire.

Leur voyage sera perturbé par le fantôme de leurs parents, qu’ils jouent eux-mêmes en mode travesti. L’idée des comédiens mâles qui jouent leurs mères, et vice versa, est très amusante, et Christian Bégin y investit une énergie contagieuse, personnifiant une dépressive hystérique constamment au bord de la crise de rage.

Ce «chant du cygne» métaphysique est signé Isabelle Vincent, qui y va d’un ton franc et absurde, et parfois un peu opaque. Que signifient ces volées de déclarations parfois sans queue ni tête? Quel est le message que l’on essaie de transmettre? On croirait par moment être devant une performance de spoken word. Outre la lassitude des comédiens devant l’épuisant devoir sacré des arts de la scène dont ils sont investis, et qu’ils portent à bout de bras de façon parfois très maigrement rémunérée, on saisit mal la thématique principale de la pièce.

Le spectateur restera cependant diverti du début à la fin par ces dialogues très colorés – et qui ont dû être particulièrement ardus à mémoriser – et par la mise en scène sobre et fonctionnelle de Claude Desrosiers (déplacements dans la salle, voiles tendus sur la scène qui évoquent un voilier, projections maritimes). L’énergie des comédiens compte aussi pour beaucoup, et on se dit en sortant de là que ce qu’ils ont perdu en jeunesse est compensé par leur grande expérience et leur intuition.

La pièce «La mort des Éternels» est présentée au Théâtre La Licorne jusqu’au 7 mai 2016.

L'événement en photos

Par Marc Charlebois

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