«L’incroyable légèreté de Luc L.» dans une mise en scène de Philippe Soldevila au Théâtre Périscope – Bible urbaine

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«L’incroyable légèreté de Luc L.» dans une mise en scène de Philippe Soldevila au Théâtre Périscope

«L’incroyable légèreté de Luc L.» dans une mise en scène de Philippe Soldevila au Théâtre Périscope

Le poids de la légèreté

Publié le 22 mars 2018 par Alice Côté Dupuis

Crédit photo : Louis-Philippe Chiasson

Comme un seul homme, Christian E. nous a raconté son parcours de comédien acadien installé à Montréal, en 2013. Trois ans plus tard, il renouait avec son vieil ami Pierre-Guy B., le grand voyageur, musicien sans attaches, revenu enfin s’établir au Nouveau-Brunswick. Puis ces jours-ci, voilà que les deux comparses rejoignent Luc L. à la Caserne Dalhousie, port d’attache temporaire du Théâtre Périscope de Québec, jusqu’au 31 mars. Dans L’incroyable légèreté de Luc L., sous la direction de Philippe Soldevila, les trois amis aux profils et aux aspirations bien différents complètent un triptyque de fictions biographiques fort intéressant mais inégal.

On avait été soufflé par l’inventivité et le dynamisme de Les trois exils de Christian E. On était aussi tombé sous le charme de Pierre-Guy B. et de ses réflexions profondes sur la vie et sur la société. On était donc ravis de les retrouver tous les deux, car bien que chaque pièce du triptyque se tient en elle-même, il est tout de même très satisfaisant pour quiconque a vu les deux précédentes de voir évoluer les personnages dans le temps, de voir leur vie progresser, leur personnalité et leurs caractéristiques devenir plus exagérées encore.

Et puis voilà qu’on rencontre un troisième type, tout aussi sympathique: Luc LeBlanc, humoriste, comédien, improvisateur, animateur et directeur artistique du Pays de la Sagouine. C’est grâce à une structure habile qu’on le découvre, de même qu’avec une mise en scène efficace qui nous fait passer constamment du talk-show «local» animé par Luc L. à la salle de répétition de Québec, où Christian E. et Pierre-Guy B. jouent Le long voyage de Pierre-Guy B. et où ils doivent en même temps écrire le troisième spectacle, en passant par la voiture de Christian, le restaurant, une salle de spectacle d’Edmonton ou de Winnipeg, l’Île-aux-Puces… tout ça à l’aide de trois chaises droites et d’éclairages qui permettent de départager les différents niveaux de temporalité qui se croisent sans cesse.

Il n’y a pas à dire, Luc L. est habile conteur, excellent imitateur, et aussi très bon manipulateur des mots. Toujours le fin gag, le troisième sujet de ces fictions biographiques a de l’aplomb à revendre et il sait captiver toute notre attention durant ses moments en solo. Il s’insère parfaitement dans la dynamique de ses plus jeunes collègues et amis, et le trio est beau à voir aller, car ils sont tous les trois extrêmement physiques et on est ravis tant par leurs imitations de la Sagouine que par leurs différentes envolées, à chacun. On retient particulièrement celle de Pierre-Guy contre l’idée de faire un spectacle sur l’Acadie, sur la montée de la droite et de la peur, puis sur l’abondance des drapeaux acadiens en Acadie.

Non seulement cette tirade est-elle très sentie, mais elle confirme aussi une présence forte de Pierre-Guy dans ce troisième opus. On ne sait trop si c’est sa personnalité ou sa bouille sympathique, mais il se démarque du lot et on aime qu’il nous dise «les vraies affaires».

Beaucoup d’humour rejaillit de ce spectacle réglé aux quarts de tour, mais aussi de belles réflexions, tandis que les trois interprètes peinent à trouver le bonheur. Christian est parti d’Acadie mais y revient «avec tout son bagage» après avoir grandi auprès des talents du Québec; Pierre-Guy est un globe-trotter qui ne semble trouver de sens à sa vie nulle part; Luc n’a jamais osé partir, en sortir, par peur. Peur de tout laisser tomber, peur de perdre sa réputation acquise au Nouveau-Brunswick et de devenir anonyme? Surtout peur de ne plus avoir le bonheur de faire rire les gens, puisqu’il n’y a que sur scène qu’il se sent véritablement heureux.

Entre Christian qui a besoin d’être aimé, Pierre-Guy qui a besoin de profondeur et d’authenticité, sans quoi il a besoin de s’engourdir, on découvre un Luc L. qui a besoin à tout prix de faire rire. Mais vous savez ce qu’on dit: le rire cache souvent un mal ou une peine jamais très loin. Pourtant, ça prendra un long moment avant qu’on ait accès à l’intériorité de Luc L., bien que ses amis nous décrivent en détail son parcours, ses brillantes performances, ses exploits et ses traits de caractère. On ne peut que constater qu’en réunissant ces trois grands amis, il semble plus facile de faire la fête, de divertir et de rire que de réfléchir et de questionner.

Bien sûr, les mises en abîme sont habiles, les procédés, ingénieux. Les comédiens sont polyvalents et talentueux, de surcroît, mais on ne peut s’empêcher de ressentir un enthousiasme général moins grand que pour les deux précédentes propositions du triptyque; la magie n’est plus la même. Le charme y est pourtant, et Luc L. est tout à fait intéressant à découvrir et aussi captivant que les deux autres.

Mais après s’être attardé auparavant à des sujets plus costauds, promettant une profondeur certaine, comme l’exil et le voyage, peut-être que, finalement, la légèreté n’était pas un sujet qui faisait le poids. Il n’est en effet pas surprenant de constater que la légèreté ne nous amène pas aussi loin que les précédents volets, mais c’est tout de même dommage pour Luc LeBlanc, qui a enfin eu le même courage que ses amis: sortir de son Acadie pour se raconter.

L'événement en photos

Par Louis-Philippe Chiasson

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