«M.I.L.F.» de Marjolaine Beauchamp au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui – Bible urbaine

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«M.I.L.F.» de Marjolaine Beauchamp au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui

«M.I.L.F.» de Marjolaine Beauchamp au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui

Instinct maternel

Publié le 28 février 2020 par Pierre-Alexandre Buisson

Crédit photo : Valérie Remise

Le mot MILF, issu de la pornographie, désigne généralement une «mother I’d like to fuck». Il est utilisé à toutes les sauces, parfois pour désigner une femme à l’apparence plus mature que les nymphettes généralement surreprésentées dans l’industrie, parfois pour désigner une jeune mère monoparentale qui se tourne vers le X pour payer ses factures ou brièvement se sortir la tête d’un certain marasme économique.

Pour Marjolaine Beauchamp, elle-même une mère monoparentale qui ne l’a pas toujours eu facile, c’est un terme qu’elle brandit à bout de bras, comme un fait d’armes, un terme qu’elle revendique de sa voix rauque, qu’elle s’approprie rageusement, et dont elle oblitère joyeusement l’aspect péjoratif.

La poétesse multidisciplinaire met ici en scène trois mères célibataires qui se battent avec leurs démons – et, souvent, ceux de leurs ex – et qui nous offrent une série de monologues trashs et contemporains, des tableaux vivants d’une honnêteté déstabilisante.

Comment représenter le ras-le-bol généralisé des mères fatiguées par la maternité, laissées à elles-mêmes avec leurs enfants? M.I.L.F. nous propose quelques pistes. Trois mères (interprétées par Geneviève Dufour, Stéphanie Kym Tougas et Marjorie Beauchamp) se relaient sur scène pour y relater diverses anecdotes et expériences. Aude-Jade ne veut pas manger ses céréales, et sa crise provoque aussi celle de sa génitrice. Maman n’a tellement plus d’intimité qu’elle doit se masturber en douce pendant un épisode de Pat Patrouille. Pour rencontrer des hommes, nos mères doivent se fier à des applications déshumanisantes qui débouchent bien souvent sur des rencontres décevantes, et parfois carrément humiliantes.

Les tableaux s’imbriquent très bien les uns dans les autres, et la scénographie est un exemple d’économie de moyens; outre les aveuglants jeux de lumière et quelques accessoires, la scène est nue, et un musicien y joue en direct, parfois avec retenue, souvent assez bruyamment, accompagnant dans une dissonante harmonie le chaos contrôlé se déroulant sous nos yeux.

Symphonie punk en hommage aux mères monoparentales, le texte de la dramaturge examine les enjeux liés à l’éducation des enfants, aux nombreux sacrifices nécessaires quand on entreprend cette aventure en solo, et aux effets directs et indirects de la maternité sur la libido et le corps. Les comédiennes personnifient les membres fort sympathiques d’une brigade de poquées, en prêchant pour une sexualité décomplexée, évoquée par des anecdotes étourdissantes où le malaise côtoie les fous rires.

Un cabaret festif et dépressif où les pensez-y-bien côtoient les rugissements d’une meute de MILF qui ne s’en laissent pas imposer.

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