«Maria et les vies rêvées» de la compagnie Ubus Théâtre au Périscope – Bible urbaine

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«Maria et les vies rêvées» de la compagnie Ubus Théâtre au Périscope

«Maria et les vies rêvées» de la compagnie Ubus Théâtre au Périscope

Une pièce qui inspire l'espoir

Publié le 21 mars 2019 par Maude Rodrigue

Crédit photo : NIcola-Frank Vachon

L’autobus qui jouxte le Théâtre Périscope transporte de belles promesses: Ubus Théâtre les honore à chacune de ses productions. À certains égards, la pièce s’inscrit dans la continuité de projets comme Le piano à voile ou encore Caminando & Avlando, poursuivant l’exploration des thèmes de l’identité, de la famille, de l’enfance et de l’immigration. Pour Maria et les vies rêvées, la compagnie a noué une collaboration avec le théâtre Sortie de secours.

La pièce relate le parcours jalonné d’embûches de Maria, une femme pétillante d’origine brésilienne. Celle-ci mène de nombreux combats sociaux avant de jeter les bases de sa famille ainsi que d’une carrière dans le domaine du théâtre.

Un jour, son mari se voit offrir une opportunité de travail au Canada. Maria éprouve alors de la difficulté à s’adapter à sa nouvelle vie, incapable d’actualiser ses connaissances et intérêts dans son milieu d’accueil, livrée à l’isolement et contrainte de travailler dans des conditions rudes.

Le sens du théâtre

D’entrée de jeu, l’auditoire assiste aux délibérations des interprètes au sujet du sens qu’ils prêtent au théâtre. Ils s’interpellent entre eux par leur véritable prénom. Le théâtre doit-il être placé au service de causes sociales, et utilisé à titre d’outil de transformation de la société? Ou bien se suffit-il à lui-même? Ne fait-on du théâtre uniquement que pour faire du théâtre?

La pièce vulgarise ensuite le théâtre du Brésilien Augusto Boal, à l’origine notamment du théâtre de l’opprimé. Cette forme a ceci de particulier qu’elle se déploie en dehors des institutions théâtrales traditionnelles. Elle vise à rétablir des injustices dont souffrent certaines franges de la population, et repose sur la participation de membres de l’assistance – le véritable «centre de gravité» de la représentation – afin qu’ils dénouent un conflit. Une situation d’oppression se loge au cœur de celui-ci. Ces segments documentaires sensibilisent quant aux innombrables possibilités qu’offre le théâtre pour appréhender différentes questions sociales.

Une narrativité salutaire

Dans Maria et les vies rêvées, la mise en récit de la vie de la protagoniste restitue une sorte de cohérence à son parcours. Les chassés-croisés temporels permettent de dégager certaines conclusions, le passé de Maria jetant un éclairage sur les défis qui se posent à elle plus tard dans sa vie. À ce titre, une allusion à une visite effectuée par l’autrice Nancy Huston auprès de femmes en prison traduit le mécanisme à l’œuvre: la narrativité agit ainsi parfois comme une «technique de survie». Dans le cas de Maria, la narrativité a présidé à sa résilience à travers des évènements qui, à première vue, étaient dépourvus de sens.

Qui plus est, chacun d’entre nous recèle une part de fiction lui permettant de maintenir une certaine cadence en dépit des puissants vents contraires de l’adversité. Le récit de Maria et les vies rêvées traite de cette part de fiction que nous nous appliquons, toutes et tous, à tisser, avec comme matériau de base le fil même de la vie – l’objectif étant de se défaire d’une sensation de décousu, et d’accéder à une certaine cohérence, de créer du sens.

Une distribution versatile et énergique

Le rythme de la pièce est résolument dynamique. Tandis que Maria (Marilda Carvalho), installée près de l’assistance, narre une partie de sa propre histoire, certains segments de sa vie sont rejoués par les quatre membres de la distribution, Agnès Zacharie, Henri Louis Chalem, Érika Gagnon et Éric LeBlanc. Ceux-ci campent une vaste galerie de personnages, en plus de s’incarner eux-mêmes (!) lorsque l’équipe recrée certains pans du processus de création de la pièce. L’interprétation est dynamique, les membres de l’équipe rivalisent de versatilité et d’énergie.

Force est d’admettre que les évènements relatés suscitent un intérêt inégal: les passages se rapportant à l’enfance de la protagoniste, notamment, souffrent de quelques longueurs. Il appert néanmoins essentiel de connaître les relations précoces de Maria, lesquelles ont sans doute structuré son rapport au monde. Il est ainsi nécessaire de puiser dans le creuset de l’enfance pour comprendre certains évènements qu’elle vit subséquemment ou encore certaines dispositions de sa personnalité.

En définitive, Maria et les vies rêvées inspire l’espoir. Maria est un modèle de résilience, et on comprend que le metteur en scène Philippe Soldevilla ait souhaité consacrer une pièce à son histoire. On présumerait que le parcours de chaque immigrant-e est digne d’une telle mise en récit, les défis se posant aux nouveaux et nouvelles arrivants-es étant nombreux, commandant un courage et une force considérables de leur part. 

«Maria et les vies rêvées» au Périscope en images

Par Nicola-Frank Vachon

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