«Nombre» au Carrefour international de théâtre: le spectateur devient partie prenante de l’action – Bible urbaine

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«Nombre» au Carrefour international de théâtre: le spectateur devient partie prenante de l’action

«Nombre» au Carrefour international de théâtre: le spectateur devient partie prenante de l’action

Une révision des codes de la représentation

Publié le 30 mai 2018 par Maude Rodrigue

Crédit photo : Marie-Renée Bourget Harvey

Au seuil d'un studio vide à la Maison pour la danse où se tiennent les représentations de Nombre, une création présentée dans le cadre du Carrefour international de théâtre, un carton est remis aux spectateurs. Un emplacement précis leur est assigné dans la salle, correspondant au numéro inscrit sur le carton. Un méli-mélo s’opère ainsi au sein de l’assistance, au profit de rencontres entre inconnus.

Nombre repose sur la faculté du théâtre à générer des rencontres. Or, si elles surviennent effectivement entre les acteurs et les membres de l’assistance la plupart du temps, Marie-Renée Bourget Harvey, Alexandrine Warren, Krystel Descary et Claudiane Ruelland sont d’avis qu’elles doivent également survenir au sein même de l’assistance. Warren, Descary et Ruelland forment le collectif AlphaCharlieKilo à l’origine de la création de Nombre. Rares sont les lieux où la fièvre des réseaux sociaux n’a pas été inoculée, et les trois comédiennes souhaitaient donner lieu à des rencontres «réelles», «dénuées d’artifices et de technologies».

Le théâtre étant «né du besoin intrinsèque de l’Homme de se raconter», Nombre vise également à amener les membres du public à devenir partie prenante de l’action. Tout au long de la représentation, dissimulées derrière un mur sans tain, les membres du collectif s’activent ainsi à lubrifier les interactions au sein de l’assistance, une voix off intimant aux spectateurs d’accomplir à tour de rôle certaines actions.

Un théâtre qui mobilise le spectateur

L’idée de départ remonte à un numéro spontané qu’avaient présenté Descary et Warren au Périscope il y a une dizaine d’années. La scène consistait en une femme s’apprêtant à mourir et prescrivant une liste de choses à accomplir à son fils. Le public avait alors été mandaté pour accomplir certaines des actions inscrites sur la liste en question. Puis, une formation reçue à Toronto a permis aux interprètes de renouer avec le task theater, celui-ci reposant sur l’exécution de tâches par le public dans le cadre de la représentation théâtrale, brouillant la délimitation entre la scène et l’assistance.

Ainsi, dans Nombre, le public devient la représentation elle-même: la survenue de celle-ci dépend de la mobilisation des spectateurs. Les nombres, aux dires des conceptrices, fournissent simplement un «prétexte pour faire faire des choses au public» selon un certain ordre. Lorsque la voix off déclame un numéro inscrit sur un des cartons qu’on a remis au spectateur au début de la représentation, celui-ci est tenu d’en effectuer le contenu.

La création d’un sentiment d’intimité au sein de l’assistance

Le succès du spectacle est garant d’un certain abandon auquel doit consentir le public. Les spectateurs enjambent leur réticence à devenir partie prenante de l’action à laquelle ils se contentent normalement d’assister. Or, il est intéressant d’observer croître un sentiment d’’intimité entre les membres de l’assistance au fil de la représentation. Qui plus est, tandis que certains spectateurs sont invités à répondre à certaines questions plus intimes, en silence, chacun effectue la plongée en soi nécessaire pour le faire également.

En outre, ralliées notamment par une passion envers les voyages, quelques expériences sensibles vécues par les conceptrices à l’étranger sont relatées pendant le spectacle. Leurs récits de même que celui de membres de l’assistance font vibrer certaines cordes sensibles chez chacun, emplissant le corps de la musique des évènements de sa propre vie et forçant l’introspection. Au terme de la représentation, il est curieux de constater la parenté qui existe entre soi et autrui, la «multitude de connexions et de liens intangibles qui s’entrelacent et forment une immense toile invisible».

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