Un portrait comique de l’auteur Simon Boudreault en 5 actes – Bible urbaine

Théâtre

Un portrait comique de l’auteur Simon Boudreault en 5 actes

Un portrait comique de l’auteur Simon Boudreault en 5 actes

De Sauce brune à Gloucester, le rire qui sert à réfléchir

Publié le 6 septembre 2016 par Alice Côté Dupuis

Crédit photo : Agence Robitaille Corbeil / Simoniaques Théâtre

Y a-t-il encore des préjugés liés à la comédie en théâtre? Pour le créateur Simon Boudreault, qui se qualifie de fier auteur de comédie, ce genre théâtral est riche et offre de nombreuses opportunités, allant de la comédie noire à la comédie de situation, en passant par la tragicomédie. Souhaitant défoncer les barrières et redonner ses lettres de noblesses à la comédie, Simon Boudreault passe toujours par le rire pour poser un regard lucide sur ce qui l’entoure. Voici donc, en cinq actes, un portrait comique de cet auteur à la plume unique et ludique.

Simon Boudreault y tient mordicus: le rire aide les gens à soulager leurs souffrances ou même à accepter les vérités intolérables de notre monde. Après plusieurs créations et à la veille de présenter ses deux plus récentes œuvres – En cas de pluie, aucun remboursement chez Duceppe dès le 7 septembre, et Gloucester à la Cinquième Salle de la Place des Arts à partir du 25 novembre –, l’auteur pourrait maintenant bien se vanter d’avoir confondu les sceptiques: son type de comédie est loin d’être vide et ses pièces trouvent leur public grâce à des concepts toujours inventifs et, bien sûr, à une grande intelligence humoristique. Rappelez-vous…

Sauce brune

C’était en 2009. Boudreault nous plongeait dans l’univers des cantines scolaires, mettant en scène quatre femmes dans leur quotidien, occupées à préparer une mixture brunâtre, même si elles auraient préféré préparer leur délivrance de ce milieu de vie ingrat. Ce faisant, elles racontaient tout de même ici leurs difficultés avec leur conjoint, et là, leurs expériences au lit.

Dans cette cantine, on saupoudrait le sacre plutôt que le sucre, celui-ci devenant sujet, verbe et même complément. Ces femmes en avaient évidemment vu et vécu de toutes les couleurs et peinaient à se sortir de leur misère. Pourtant, pour les spectateurs, la plus grande difficulté était de réprimer les rires.

Pourquoi? Parce que l’usage de cette langue québécoise, certes, mais en même temps surréaliste où les sacres sont omniprésents, couplé à des références scatologiques nombreuses et à une vulgarité qui vient avec le milieu de vie des personnages, amène forcément le rire. Ça ne peut faire autrement, même si on reconnaît la détresse de ces femmes et qu’on accuse les reproches camouflés du texte qui nous renvoie en plein visage notre obsession de l’hygiène, de l’importance du fameux Guide alimentaire canadien, et nos préjugés envers certaines classes sociales, on finit inévitablement par rire; un rire qui, s’il n’est pas brun, est certainement jaune.

Soupers

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En 2011, Simon Boudreault repoussait les conventions théâtrales en transformant la salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui en véritable salle de restaurant contenant plusieurs tables rondes disposées ça et là plutôt que les gradins conventionnels. Avec Soupers, il obligeait les spectateurs à devenir voyeurs et indiscrets, situant en quelque sorte l’action à la table d’à côté, où Marc-Antoine, un obèse dans la trentaine vivant seul avec son chat et ses jeux vidéo, soupait pour son anniversaire en tête à tête avec sa mère, puisque sa sœur était encore une fois en retard.

Concept original s’il en est, Soupers alla même jusqu’à nous faire questionner sur les difficultés de communiquer et d’entrer en relation avec les autres, d’affirmer qui l’on est vraiment vis-à-vis des autres, et même de la fuite des défis du monde réel vers les univers fictifs et virtuels. On aurait presque traité Marc-Antoine d’être pathétique, si on ne s’était pas, contre toute attente, reconnu dans les différentes situations qu’il vit autour des tables de ce restaurant. Alors, devant ces dialogues ridicules et ces réflexions loufoques, suivant la logique de Simon Boudreault: «il vaut toujours mieux en rire!». En grinçant un peu des dents, peut-être, parce qu’on se sent confronté, encore, mais rire tout de même.

D pour Dieu?

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En lice pour le prix du Gouverneur général 2012 en théâtre, D pour Dieu? n’a pas manqué de faire réagir en utilisant la quête de sens comme principal thème à cette épopée épique et résolument comique. Racontant sa vie depuis sa naissance alors qu’il se prend pour le centre de l’univers (il croyait être Dieu!), le personnage passera par de nombreuses désillusions en grandissant et en voyant ces certitudes s’effondrer une à une.

Grâce à un rythme endiablé et à des marionnettes qui incarnent de nombreux personnages qui ont croisé la route du petit Dieu de façon tout à fait hilarante, Simon Boudreault a créé un spectacle sincère, où les nombreux rires du public se font douce moquerie, comme complices dans cette recherche du plus grand que soi, d’une raison de croire et d’espérer. Plein d’esprit, le texte de D pour Dieu? est à la fois très imagé, mais aussi très ludique dans sa façon d’aborder de grands questionnements en interagissant avec des marionnettes. On pourrait très certainement le qualifier de comédie existentielle.

As is (tel quel)

Critique-As-is-tel-quel-Theatre-Jean-Duceppe-9-septembre-17octobre-2015

Malgré ses allures sombres et sa façon, comme dans Sauce brune, de jeter un regard sur les préjugés au sujet des classes sociales moins favorisées, As is (tel quel) utilise elle aussi à sa façon le ludisme – et même des chansons! – pour alléger la lourdeur des thématiques exploitées. On y suit un personnage étudiant à l’université qui se trouve, comme seul emploi, un poste de trieur d’objets dans le sous-sol de l’Armée du Rachat où il côtoiera des gens écrasés par l’ampleur du travail, par les règles strictes et par un patron sans pitié. Ce contraste entre les deux univers qu’on dirait incompatibles de cet universitaire et des bas-fonds devient forcément absurde, et du drame surgiront nécessairement plusieurs pointes d’humour.

Ce sont les personnages hauts en couleur créés par Boudreault qui forment à eux seuls une base solidement humoristique au récit. Du patron véreux au teint orange, ancien danseur du 281 plein de bagues aux doigts et à la coupe mulet, au jeune employé hyperactif surnommé «Pénis» qui traîne son chariot d’étage en étage sans manquer de nous offrir un numéro de rap d’anthologie, les personnages de cette création de l’auteur sont forts, absolument drôles, et réjouissants.

Gloucester

Gloucester-Simoniaques-Theatre-Bible-urbaine

Après En cas de pluie, aucun remboursement, qui sera présentée chez Duceppe et dont l’action déjantée traitant d’ambition, de pouvoir et de performance se déroule dans un parc d’attractions, c’est la plus récente création de Simon Boudreault qui s’installera à la Cinquième Salle de la Place des Arts, après avoir fait rire les publics de Québec et de Terrebonne avec son délire shakespearien. Comédie folle qui s’inspire de plusieurs chefs-d’œuvre du grand auteur britannique, la pièce ne se contente pas d’utiliser notamment les personnages d’Édouard, roi d’Angleterre, et de ses généraux Gloucester et York; elle pige aussi dans les textes emblématiques de Shakespeare pour en déformer de façon humoristique jusqu’aux plus célèbres citations, dont la fameuse «Être ou ne pas… Bon, j’ai perdu le fil».

On qualifie déjà Gloucester d’hilarante et de débridée, bien qu’elle ne manquera pas, elle non plus, de susciter des réflexions sur notre recherche et notre besoin constant de pouvoir, d’attention et de reconnaissance, notamment. Bref, Simon Boudreault se réinvente encore une fois, sans toutefois quitter sa formule déjà bien établie et avérée efficace: passer par le rire pour faire réfléchir.

La pièce En cas de pluie, aucun remboursement de Simon Boudreault sera présentée du 7 septembre au 15 octobre au Théâtre Jean-Duceppe, alors que son Gloucester prendra l’affiche de la Cinquième Salle de la Place des Arts du 25 novembre au 17 décembre 2016.

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